Le ministre trouve «scandaleux» que des députés osent s'élever au rang d'un juge et distribuent des accusations. C'est un ministre de la Justice très en colère qui s'est présenté hier devant les députés pour répondre à leurs critiques. Tayeb Louh a été interpellé, mardi dernier, par les élus — à l'occasion de la présentation, en plénière, du projet de loi complétant l'ordonnance n°66-156 portant code pénal — sur le retour de Chakib Khelil, sur d'autres dossiers liés à la corruption et surtout sur le silence de la justice. Remonté contre certains intervenants qui ont dressé un réquisitoire contre l'appareil judiciaire, M. Louh a pris sa revanche en donnant un cours aux députés sur l'indépendance et le fonctionnement de la justice. Le ministre qualifie d'«inacceptable» et d'«insensée» la démarche des députés demandant au ministre de s'immiscer dans des affaires juridiques. «Je ne comprends pas cette réaction. Le ministre n'a pas le droit ni les prérogatives d'interférer dans le travail de la justice dès lors qu'elle est indépendante. Je n'ai pas le droit de commenter le dossier d'une telle personne ni son retour en Algérie et encore moins de parler du mandat d'arrêt lancé contre elle», tranche le ministre, dans une allusion aux députés et responsables de partis politiques (FLN et RND) qui ont commenté le mandat d'arrêt lancé contre l'ancien ministre de l'Energie et accusé ouvertement le procureur général de la cour d'Alger de l'avoir «émis sur un coup de téléphone». M. Louh a rappelé que l'Algérie milite depuis de longues années pour la séparation des pouvoirs et que tout commentaire sur le travail de la justice est une atteinte à l'indépendance de ce pouvoir consacré par la Constitution et une remise en cause de ce principe. Poursuivant son réquisitoire, le ministre trouve «scandaleux» que des députés osent s'élever au rang d'un juge et distribuent des accusations à tort et à travers. «Où allons-nous ? Si chacun d'entre nous devient juge, les choses échapperont à tout contrôle et la situation deviendra grave», a-t-il estimé. Le ministre a invité les députés à respecter la présomption d'innocence. «Laissez la justice faire son travail sans ingérence. Les affaires traitées par la justice le sont selon des procédures judiciaires bien déterminées ; le juge est libre et responsable de ses décisions et il n'est comptable que devant le Haut-Conseil de la magistrature», dit-il d'un ton ferme. Voulant enfoncer les députés, le ministre leur a conseillé de ne plus le saisir sur des affaires judiciaires : «Les députés ont l'immunité parlementaire. Certains d'entre vous ont des affaires avec la justice. Est-ce que je dois m'immiscer dans les affaires de justice qui vous concernent ? Bien sûr que non. Et c'est le cas d'ailleurs pour toutes les autres affaires.» Par ailleurs, Tayeb Louh a mis en garde ceux qui tentent de discréditer et de ternir l'image de la justice, des juges et de l'institution législative en général. Il a également rappelé à l'ordre les députés ayant cité des noms de juges en plénière : «C'est un comportement irresponsable.» Le garde des Sceaux a assuré que «personne ne peut être au-dessus de la loi».