La fermeture des frontières terrestres entre la Turquie et l'Europe pousse les flux de désespérés vers les côtes italiennes, via la mer. Et c'est le come-back des voyages de la mort organisés par des passeurs sans scrupule. Une trentaine de réfugiés somaliens, secourus dans les eaux territoriales égyptiennes par un navire de passage, ont raconté avoir vu se noyer plus de 400 Africains en provenance de Somalie, Erythrée et Ethiopie qui voyageaient à bord de quatre embarcations vétustes. Partis d'un port égyptien, ces derniers se dirigeaient vers l'Italie. Le nombre effarant de victimes frappe la conscience des décideurs européens, surtout italiens, comme le président Sergio Mattarella qui a invité «à réfléchir face à cette énième tragédie de la Méditerranée». Depuis l'entrée en vigueur, le 20 mars dernier, de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie concernant le refoulement des réfugiés, y compris ceux de nationalité syrienne, les voyages de la mort vers l'Europe via la Méditerranée ont repris avec force. Selon des chiffres rendus publics par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 6000 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes, durant les seuls trois derniers jours. Ce nouveau drame vient rappeler, ironie du sort, un autre survenu il y a un an de cela, plus exactement le 18 avril 2015, quand 800 demandeurs d'asile avaient péri en Méditerranée lors du naufrage de leur embarcation. Depuis le début de l'année, plus de 170 000 candidats à l'asile sont arrivés en Europe par la mer, 24 000 ont traversé la Méditerranée pour atteindre les côtes de la péninsule et 620 d'entre eux ont trouvé la mort. Donc, durant les trois premiers mois de 2016, on a enregistré huit fois plus de réfugiés qu'à la même période de l'an passé. L'OIM prévoit le débarquement de 100 000 réfugiés sur les seules côtes italiennes, cette année. Cette nouvelle politique d'asile européenne, improvisée et en totale contradiction avec les principes humanistes vantés jusque-là par ses responsables, est en réalité destinée à une opinion publique interne de plus en plus charmée par les discours xénophobes des mouvements d'extrême-droite. Le seul pays à tirer avantage du drame des réfugiés, surtout syriens, est la Turquie qui a encaissé 6 milliards d'euros, en deux fois versés par l'Union européenne et a réussi à obtenir la réouverture des négociations d'adhésion. Mais personne n'a demandé aux réfugiés syriens qui fuient d'une part la répression, le siège et les bombardements du régime syrien et de l'armée russe et de l'autre le terrorisme de Daech, leur avis. Ces derniers, en effet, affirment préférer retourner en Syrie, au péril de leur vie, plutôt que de rester en Turquie où les conditions d'accueil qui leur sont réservées ne sont guère meilleures que celles dans certains pays arabes, comme le Liban ou la Jordanie. Tous ces Etats encaissent des aides économiques pour leur supposée «aide» aux rescapés syriens de la guerre. Les Européens, eux, comme l'Autriche ou la Bulgarie, érigent des murs aux frontières ou répriment avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc (la Macédoine et la Hongrie) ces damnés de la terre. Risquer la mort en Méditerranée ne paraît pas la pire des solutions aux yeux des Syriens persécutés dans leur pays.