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Des recettes pour exporter la cuisine DZ
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Publié dans El Watan le 22 - 04 - 2016

Revisiter nos traditions culinaires, améliorer le niveau et la durée des formations, mettre en valeur les produits du terroir : l'Algérie a tous les ingrédients pour faire connaître sa cuisine à l'international. Au concours Djazaïr Excellence, cette semaine, les idées ont mijoté.
Des truffes. Des crevettes. Une poule fermière. Du chocolat. Des produits algériens et 100% bio. Voilà de quoi nous mettre l'eau à la bouche. Mais pour les cuisiniers qui disputent la finale de la compétition des professionnels des métiers de bouche Djazaïr Excellence (du 18 au 21 avril au Salon international de l'agroalimentaire Djazagro, à la Safex), l'heure est au stress. Parmi 26 écoles en compétition, huit groupes finalistes, venus de six wilayas, ont concouru durant les deux premiers jours du salon Djazagro pour la Coupe d'Algérie des écoles.
Les deux jours suivants ont été dédiés aux autres catégories : le trophée de chef cuisinier et celui de chef pâtissier-chocolatier. Lundi, au premier jour de la coupe d'Algérie des écoles, trois cuisiniers (un pour le dessert et un pour le plat et un pour l'entrée), font de leur mieux pour épater le jury et décrocher la première place, sous les yeux de leur coach stressé. Le challenge : une entrée libre, un plat à base de poulet fermier et un dessert au chocolat en cinq heures.
A 11h, le top départ est donné et chacun commence à travailler, sous la supervision des jurys et au son de musiques pop ou chaâbi mixées par le DJ. Pour l'équipe de l'Institut des arts et métiers d'Alger, coachée par Mohamed Nadjib Boulaff, au menu : poireau, trida et brownie. «En entrée, on a choisi une recette asiatique avec une touche algérienne. Un millefeuille de blanc de poireau mariné dans de la sauce soja et du jus d'orange, accompagné de crevettes fraîches.
En plat, on a opté pour un plat traditionnel algérien revisité, la trida au poulet fermier, parfumé de lavande sauvage. Quant au dessert, le groupe est resté classique : on a préparé un brownie avec des noix, farci de banane, accompagné d'une sauce chocolat. A côté, il y a un crémeux à l'orange et un coulis de fraises», détaille le coach du groupe. De l'autre côté, les stagiaires de l'école La Chef commencent par l'épluchage des légumes. Stressés, ils ne se permettent même pas de parler entre eux.
Couscous au jus de truffe
En entrée, ils ont choisi de faire «une m'hancha salée, farcie avec des épinards et des orties, du fromage de chèvre traditionnel et du yaourt de vache naturel. En plat, il y aura une sorte de tajine sucré-salé de poulet fermier au four avec des figues et des pommes, accompagné de couscous et de jus de truffes ramenées tout droit de Djelfa. En ce qui concerne le dessert, les stagiaires ont opté pour un œuf Fabergé en chocolat, fourré d'une mousse à base de chocolat blanc et d'huile d'olive», affirme Bilal Louna, chef de cuisine à l'école La Chef, qui semble beaucoup plus stressé que ses stagiaires qu'il supervise de près.
En effet, si le concept de l'événement est étranger et la plupart des jurés sont Français, les candidats doivent cuisiner algérien avec des produits locaux et bio dans le but de promouvoir le patrimoine culinaire national. Issam Ladraa, diplômé de l'Institut national des techniques d'hôtellerie et de tourisme de Tizi Ouzou, chef cuisiner dans plusieurs grands hôtels à travers le pays (dont le Sheraton et Sofitel), témoigne : «Les pays occidentaux ne connaissent pas grand-chose à la cuisine algérienne par rapport à celle des pays voisins, la Tunisie et le Maroc, parce qu'elle n'est pas développée.
Aujourd'hui, compter des chefs étrangers dans ce concours est déjà une étape pour montrer que l'Algérie est riche de ses capacités et de ses traditions culinaires», explique le coach de l'équipe du CFPA Jimia de Jijel. Selon Brice Ducos, président de jury des demi-finales des écoles il y a deux mois et président du jury de la finale, ce concours est une découverte : «Il y a quatre mois de cela, je n'y connaissais pas autant sur la cuisine algérienne ! Mais ce concours m'a beaucoup appris. Il faut savoir que les candidats utilisent des produits du terroir 100% bio, cela joue un rôle important dans l'identité du plat préparé et la touche algérienne est forte présente.»
Talents
Pour le coprésident des disciplines d'Escoffier International (pays Occitan et Catalan), vice-président de Toque Blanche International (délégation Cévennes, Grandes Causses et Méditerranée), «l'art culinaire algérien dispose de toutes les conditions pour être exporté et connu à l'international… A mon avis, ce qui manque, ce sont les formations de niveau international et de grands chefs capables de porter cette cuisine vers les grandes rencontres gastronomiques».
Pour les organisateurs de Djazaïr Excellence, les principaux objectifs de ce concours sont de «découvrir les talents algériens et mettre en valeur le patrimoine culinaire, les produits du terroir et l'artisanat, ainsi la gastronomie algérienne aura la chance de participer aux concours internationaux». Dominique Fieugrant, chef pâtissier-chocolatier français, témoigne : «Je connais bien les différentes cuisines algériennes. Sur les côtes, on a différentes sortes de poissons qu'on ne trouve pas forcément partout.
Ce pays réunit les ingrédients nécessaires pour faire des choses extraordinaires dans le domaine de la gastronomie.» Le chef pâtissier, qui a travaillé dans cinquante pays et compte vingt-cinq ans d'expérience en Coupe du monde de la pâtisserie, dit avoir un «attachement» pour l'Algérie : «Je me suis occupé de la première équipe algérienne qui a participé au Championnat du monde de pâtisserie de Lyon, en 2015. C'est avec la confrontation professionnelle qu'on peut avancer. L'Algérie est en train de bouger dans le domaine de la cuisine et de la pâtisserie et c'est une fierté pour moi.»
Rédha Kichou, chef cuisinier de la résidence de l'ambassade du Canada à Alger et membre du jury à Djazaïr Excellence, parle d'«assiettes graphiques». «Lors de ce duel, on va juger la qualité du produit, le visuel, la technique et on va essayer de les pousser au bout pour qu'ils nous sortent des assiettes graphiques.
C'est ce qu'il faut pour donner un coup de pouce à la cuisine algérienne, la développer et la revisiter.» Il poursuit : «On veut donner une nouvelle image de la gastronomie algérienne parce qu'on a des talents, formés, qui pratiquent de nouvelles techniques, mais pour réussir, il faut qu'ils se donnent à fond, respectent le produit dans son utilisation et le mettent en valeur.
Quand on respecte le produit, forcément on peut faire quelque chose de beau.» Mais selon lui, «avoir des jeunes talentueux qui possèdent des capacités extraordinaires ne peut rien donner tant qu'ils n'ont pas l'occasion de montrer leur savoir-faire. Je ne parle pas seulement d'Alger, mais à l'intérieur du pays aussi, où on a des petits chefs qui émergent.»
Fusion
Pour arriver à ce but, Issam Ladraa propose : «On doit s'intéresser davantage à ce secteur, l'organiser et le développer pour pouvoir l'exporter. Il faut créer davantage d'événements dans ce genre et participer aux rencontres internationales dans le domaine de la cuisine et la pâtisserie. Il faut que ce soit notre initiative et que nous travaillions pour arriver à faire connaître notre cuisine dans le monde, sans attendre que les autres s'y intéressent.
Si on prend le Maroc comme exemple, il y a quelques années de cela, personne ne connaissait leur cuisine ni leurs traditions, mais aujourd'hui, elles sont connues au niveau international.» Mohamed Nadjib Boulaff le rejoint : «Dans chaque région, on a des recettes magnifiques et des richesses qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Malheureusement, on a négligé ce domaine et on a tardé à nous y intéresser. Avec ce genre de concours, on va améliorer notre niveau et capitaliser plus d'expérience. Ces dernières années, il y a un retour remarquable vers le patrimoine culinaire. On retrouve de plus en plus dans les menus des grands restaurants d'anciens plats, revisités certes, mais avec la même base.
C'est encourageant.» Ce dernier met l'accent sur la formation professionnelle qui reste, selon lui, insuffisante : «Il faut savoir que les formations en Algérie ne sont pas suffisantes pour préparer des chefs capables d'arriver jusqu'à exporter notre cuisine. Il faut toujours participer à des ateliers privés et avoir une expérience à l'étranger pour être au niveau demandé.» Bilal Louna, pour sa part, pointe la durée du cursus : «La durée de formation n'est toujours pas suffisante. Le CAP dure seulement une année alors qu'en France, il faut au minimum trois ans de formation.» «Par ailleurs, certains ingrédients, qui ne sont pas toujours accessibles, handicapent l'innovation en cuisine», affirme-t-il, souhaitant voir plus de concours du niveau de Djazaïr Excellence organisés en Algérie.
«Selon les résultats de ce concours, on va peut-être institutionnaliser cet événement pour le préparer suffisamment à l'avance et il sera intégré dans le cursus de formation. Ce sera un objectif pédagogique. On va accompagner la préparation des équipes de formateurs et profiter du transfert de savoir-faire des chefs», affirme Akila Chergou, directrice de la formation continue et des relations intersectorielles au ministère de la Formation de l'Enseignement professionnels.
Pour leur part, les organisateurs de cette compétition des professionnels des métiers de bouche ont l'intention de «faire de l'événement Djazaïr Excellence un point de rencontre et de fusion incontournable des compétences culinaires et gastronomiques nationales pour permettre l'émergence d'un pôle dans le secteur des métiers de bouche et ouvrir les portes à une représentation internationale de nos compétences en matière d'art culinaire et de haute gastronomie. Notre ambition pour l'avenir est de donner à l'événement une dimension maghrébine et une autre internationale.»


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