L'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, poursuit au pas de charge son pèlerinage dans les zaouïas du pays. Après Djelfa et Mascara, il a jeté son dévolu, ce week-end, sur la wilaya de Tissemsilt où il était l'invité de deux zaouïas aux noms évocateurs : la zaouïa du cheikh Sidi Ali Hadj «Boudinar» et celle du cheikh Sid Ali «Al Djadarmi». A l'instar de ses précédentes visites, l'accueil et le contenu des messages délivrés participent de la même stratégie de communication visant la réhabilitation de cet ancien responsable proche du clan présidentiel, dont le nom a été mêlé au scandale de corruption de l'affaire Sonatrach. Pour quel objectif ? Il y a des signes qui laissent penser que ces bains de spiritualité que s'offre, sans discontinuer, l'ancien ministre de l'Energie depuis son retour en fanfare en Algérie sont loin d'être motivés uniquement par le désir de ressourcement spirituel qu'il rechercherait dans sa conquête des zaouïas. Les visites sont tellement bien programmées au plan de la logistique, du choix des zaouïas ciblées et de la thématique abordée, qu'il est difficile de croire que Chakib Khelil s'est découvert subitement un penchant insatiable pour le tourisme religieux. A voir tous les moyens officiels mobilisés à chacune de ses sorties et leur surmédiatisation dans la presse proche du pouvoir, il serait bien naïf de croire que l'ancien ministre de l'Energie n'est pas en train d'exécuter une feuille de route politique décidée dans les sphères du pouvoir. Ses interventions à la faveur de ses sorties sur le «terrain» sont articulées autour de trois viatiques : le bilan des réalisations du secteur de l'énergie dont il avait eu la charge pendant plus d'une décennie, son expérience en Algérie et à l'international, et l'offre de service qu'il lance aux pouvoirs publics pour mettre son expertise au service du pays. La zaouïa faisant office à la fois de lessiveuse et d'agence de l'emploi. Et pourquoi pas aux hautes fonctions de l'Etat ? Le président Bouteflika n'avait-il pas fait de la quête de la bénédiction des saints et des zaouïas un moment fort de sa stratégie de campagne électorale, conscient de l'enjeu du sentiment religieux dans l'opinion ? La piste Chakib Khelil comme successeur potentiel de Bouteflika est-elle une option crédible ? Objectivement parlant, tout plaide pour sa disqualification : les enquêtes judiciaires ouvertes à l'étranger sur la corruption liée à l'affaire Sonatrach où son nom est cité, mais surtout sa disgrâce au niveau de la vox populi. Mais le pouvoir n'en a cure ; il a un besoin impérieux d'un homme de réseau et de lobbies. Et qui mieux que Chakib Khelil pour incarner cet «homme providentiel» du régime ayant le soutien des Américains, des institutions financières internationales, du cartel du marché pétrolier ? Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il multiplie les déclarations optimistes sur la reprise prochaine des prix du pétrole. Pour bien montrer qu'il a la clé de sortie de crise de l'Algérie. Ne serait-il pas tout simplement un autre lièvre que le pouvoir sort de son chapeau pour brouiller les cartes, comme il le fait avec Lakhdar Brahimi reçu régulièrement par Bouteflika ? Pour nombre d'analystes, le successeur potentiel est maintenu au chaud. Une chose est certaine : après le démantèlement du DRS, tout indique que le saint des saints où se fabriquent les présidentiables a bel et bien changé de main.