Après ses dernières sorties dérangées et dérangeantes dans des zaouïas de Annaba et Chlef, l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, n'en démord pas ; il s'intéresse à présent aux zaouïas de Kabylie. Les informations provenant de sources crédibles assurent qu'il se prépare à se rendre dans celle de cheikh Aheddad, à Seddouk, à 60 km au sud de Béjaïa. Des membres plus ou moins impliqués dans la gestion du mausolée de cheikh Aheddad ont été approchés par des «officiels» qui les ont informés de la venue prochaine de Chakib Khelil, qui entend s'y inviter avec tout le rituel qui l'a accompagné ailleurs depuis son retour au pays. Selon notre source, le darak en a été informé et la brigade d'une commune limitrophe de Seddouk serait chargée de faire l'annonce. L'assemblée populaire communale de Seddouk a aussi été mise au parfum pour engager les préparatifs. Selon un élu, cette APC a signifié son refus de se mouiller dans cette entreprise détestable. Des habitants du village proches du FLN ont aussi été mis dans le secret des dieux. «Ils ont été contactés à partir d'Alger et informés de cette visite», assure notre source. Si cette annonce se confirmait, celle assurant que l'ex-ministre serait accompagné d'«un représentant du ministère des Affaires religieuses» est difficile à confirmer. «Tantôt on parle du ministre lui-même, tantôt de son représentant», rapporte encore notre source. A Seddouk, ces rumeurs circulent depuis une dizaine de jours. «C'est pour tâter le terrain», suppose-t-on. Certains croient même que le «pèlerinage» de l'ex-ministre est prévu pour aujourd'hui, 2 mai. En tout cas, l'information est tellement pesante qu'elle hante les esprits à Seddouk. Y compris parmi les notables du village et même de la famille du cheikh, leader de l'insurrection de 1871 aux côtés d'El Mokrani et de son frère Boumezrag. «Pour nous, c'est un invité très lourd», nous a avoué un notable de Seddouk Oufella, là où a été inauguré en 2009 le mausolée de cheikh Aheddad. Les notables du village n'entendent pas accueillir Chakib Khelil. «Si quelqu'un l'accueille, ce sera en son nom personnel mais aucunement au nom du village. Il ne représenterait que lui-même. Le comité ne le fera pas, en tout cas» affirme, certain, notre interlocuteur. La même résolution semble animer d'autres organisations activant à Seddouk Oufella, à savoir l'Association religieuse et l'Association des jeunes du village. A croire notre source, le mécontentement a gagné aussi la famille Belhadad, qui voit d'un mauvais œil ce pèlerinage annoncé sous couvert politique. Sur la Toile, le partage de cette annonce se fait sur le ton de l'alerte, qualifiant même l'ex-ministre d'«insolite pèlerin du siècle». «La population de Kabylie, fidèle et jalouse de son islam d'amour, de science, de savoir, de fraternité et de paix, s'opposera pacifiquement mais énergiquement à qui tenterait de porter atteinte à toutes ces valeurs qui font la fierté légendaire de cette région», avertit un internaute, militant politique de son état. Il faut dire que la zaouïa de cheikh Aheddad a disparu au lendemain de l'insurrection de 1871 ; il n'en reste que les adeptes de la tarika Rahmania disséminés à travers le pays. Le mausolée où reposent le Cheikh et ses deux enfants constitue cependant un lieu de pèlerinage géré par deux jeunes du village. Un arrêté d'expropriation a été signé pour verser le site dans le patrimoine du secteur de la culture.