C'est fait ! L'ultime vœu de cheikh Ahaddad d'être enterré chez lui est en fin exaucé. Un souhait qui s'est concrétisé 136 ans après. Des milliers d'anonymes et de personnalités politiques se sont rendus, hier, à Seddouk Oufella, dans le sud-ouest de la wilaya de Béjaïa, pour assister à la réinhumation des ossements de cheikh Mohand Ameziane Ahaddad et de son fils, cheikh Aziz, après avoir été exhumés du cimetière principal de Constantine, où ils reposaient, respectivement depuis 1873 et 1895. L'émotion est à son comble en cette chaude journée de vendredi. “Le moment est historique”, affirme Ahmed, représentant de la famille Belhaddad. Les ossements ont été accueillis par une grande foule qui s'est rassemblée autour de la demeure. Une cérémonie solennelle est organisée, trois jours durant, par la présidence de la République, la wilaya et le comité de village et la famille Belhaddad. “L'événement est grandiose, à la mesure du personnage hors du commun que fut le héros de l'insurrection de 1871, conduite avec El Mokrani”, déclare le secrétaire général de la présidence de la République, qui lisait un message du président Abdelaziz Bouteflika. Le SG de l'ONM était également présent et a tenu à rendre hommage à Cheikh Ahaddad, sommité religieuse, autorité politique et imminent savant. Le cheikh est aussi un chef spirituel de la Tarika Rahmaniya. Une confrérie qui a réussi à l'époque à s'affilier près de 250 zaouïas à travers le pays. Un mausolée a été érigé pour accueillir la tombe du Cheikh et celles de ses deux fils. La tombe du deuxième fils, cheikh Mhand, n'est pas encore localisée, à ce jour. Une tombe symbolique lui est réservée aux côtés de son père et de son frère. Le mausolée abrite une exposition d'anciens manuscrits du cheikh qui a écris plusieurs ouvrages. Un musée qui sera dédié au Cheikh Ahaddad est en projet, a déclaré, jeudi, Ali Bendrici, le wali de Béjaïa qui était présent aux cérémonies. La demeure de Cheikh Ahaddad vient d'être inscrite sur la liste du patrimoine national à protéger. Une inscription qui interdit toute modification du site mais surtout qui permettra de débloquer des fonds pour la restauration du site. Toute la population de la région exprime aujourd'hui une grande fierté. Cheikh Ahaddad au même titre que Cheikh El-Mokrani est un repère, un symbole d'héroïsme et de la résistance. Un certain 8 avril 1871, sur la place de Seddouk, Cheikh Aheddad – répondant à l'appel d'El-Mokrani – proclame l'insurrection contre l'occupant français. Des batailles héroïques furent livrées, en mai et juin 1871, dans la vallée de la Soummam contre les français. Cheikh Aheddad s'éteint deux ans après, au terme d'un procès qui a eu lieu dans un tribunal constantinois. Une mort qui marque la défaite des résistants algériens lors d'une célèbre insurrection. Condamné à cinq ans de prison, le cheikh s'est éteint quelques jours après. La décision des colons français de l'enterrer à Constantine est dictée par un seul souci : éloigner la sépulture du héros pour faire oublier ce symbole de résistance et écarter tout risque de révolte. Sa zaouïa a été incendiée et sa bibliothèque pillée. Ses fils Aziz et Mhand, chevilles ouvrières de l'insurrection, furent condamnés à mort, avant d'être déportés en Nouvelle-Calédonie. En 1881, Aziz s'évade, s'installe en Egypte, puis part en pèlerinage à La Mecque avant de s'éteindre à Paris, en 1895. Sa dépouille subit le même sort que celle de son père : elle ne sera pas enterrée à Seddouk Oufella mais à Constantine.