L'affaire de l'importation de 46 containers de whisky frelaté qui a fait couler beaucoup d'encre au début du mois de décembre 2002 n'a pas été jugée hier par le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, à Alger. En l'absence des parties citées dans ce scandale, la présidente du tribunal a tout simplement renvoyé le jugement de cette affaire dont le traitement reste pour le moins très énigmatique et a suscité de nombreuses interrogations. D'abord au niveau de la qualification des délits. Au tout début de l'instruction et au moment où toute la presse était braquée sur cette opération de saisie opérée au port d'Alger, de lourds griefs ont été retenus à l'encontre des auteurs, à savoir « atteinte à l'économie nationale et à la santé des citoyens ». Délits qui relèvent tout simplement du tribunal criminel. Quelques semaines plus tard, le juge d'instruction en charge de ce dossier a requalifié l'affaire, en retenant uniquement « importation sans autorisation, fausse déclaration et violation des lois douanières... », des infractions qui relèvent tout simplement de la correctionnelle. Le procureur de la République s'est opposé à cette qualification auprès de la chambre d'accusation, mais celle-ci a rejeté l'appel. Le dossier a donc atterri sur le bureau du tribunal correctionnel. Cette affaire remonte au 22 décembre 2002, lorsqu'une équipe de douaniers a saisi les premiers containers, sensés être chargés d'« élixir de canne » mais bourrés de bouteilles de whisky frelaté. L'importateur, un jeune de 32 ans natif de Tiaret, a réalisé l'opération au nom d'un citoyen de la commune de Djouab à Médéa. La marchandise a été achetée au Mexique, a transité par Malte avant d'arriver au port d'Alger. L'enquête menée par les douaniers a révélé que l'importateur était à sa troisième opération d'importation (bananes et vins). Un montant de 5 millions d'euros a été transféré (en trois tranches) à partir d'El Khalifa Bank vers un compte domicilié à Monaco, appartenant à un ressortissant français, mis d'ailleurs en examen par la justice de son pays dans le cadre de ce scandale. Arrêté par les services de sécurité, le véritable cerveau de cette affaire, un archimilliardaire, a été libéré et mis sous contrôle judiciaire. Mais il vient d'être condamné par le tribunal de Koléa à une peine d'emprisonnement avec sursis pour avoir menacé de mort un opérateur. Il est mis en cause dans plusieurs affaires actuellement en instruction dans les tribunaux de Chéraga, Bir Mourad Raïs, Sidi M'hamed, Koléa et Blida pour abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux. Hier, les journalistes sont restés sur leur faim, après que la présidente du tribunal ait renvoyé le jugement de cette affaire. Question : quelle est la réaction des services des douanes qui ont dévoilé ce scandale et qui, dès le premier jour de son éclatement, ont parlé d'atteinte à l'économie nationale et à la santé des citoyens ? Comment de tels crimes peuvent-ils être requalifiés avec autant de facilité ?