Dans le cadre de la commémoration du 175e anniversaire de la mort au champ de bataille de Hadj Mohand n'At-Meqqran dit El Mokrani, le wali de Béjaïa, Ould Salah Zitouni, en présence des walis de Bouira et de Bordj Bou Arréridj, a procédé, hier, à El Kalaâ n'Ath Abbas, citadelle se situant à 15 km au sud de la commune d'Ighil Ali, à la pose de la première pierre du mausolée devant abriter la tombe du glorieux martyr de l'insurrection populaire de 1871. Ce village, dont le nombre d'habitants permanents ne dépasse pas la centaine aujourd'hui, était pourtant la capitale d'un puissant royaume, les Ath Abbas. Fondé par des émirs hafsides de Béjaïa en 1510, juste après l'invasion espagnole, le royaume a été longtemps le bastion d'une farouche résistance aux Espagnols et, par la suite, à la Régence d'Alger. Forteresse inexpugnable, juchée sur le sommet d'une colline à plus de 1200 mètres d'altitude, au milieu d'un grand massif montagneux, les Bibans, elle a été construite sur le modèle de la Kalaâ des Béni Hammad : position stratégique, accès potentiellement difficile, portes gardées en permanence et muraille tout autour. En y arrivant, on se sent dans une véritable vigie avec une vue exhaustive sur la vallée de la Soummam. A son apogée, l'influence du royaume des Ath Abbas s'étendait de la vallée de la Soummam jusqu'au Sahara. Sa capitale, El Kalaâ, avait concurrencé les villes les plus avancées d'alors. Les Ath Abbas étaient réputés par leur savoir-faire ayant enrichi un tissu industriel local florissant. La région garde jusqu'à nos jours les traditions artisanales. L'échec de l'insurrection de 1871 mit fin au contrôle politique des Ath Amokrane sur le royaume, et ce, avec la reddition d'El Kalaâ face au colonisateur français. Retour aux sources Hier, une foule grandiose était présente au village. Ils sont venus de tout le territoire national, et même de Tunisie. Ils sont tous originaires d'El Kalaâ et certains arrivent même à reconnaître leur maison ainsi que leurs biens. «En 1872, après la mort de Boumezrag, frère de Muhend n'Ath Meqqran, la grande majorité des habitants d'El Kalaa avait décidé de fuir les atrocités des Français, ce qui provoqua leur émiettement, tout le territoire algérien était pris pour destination, sans citer ceux qui avaient rejoint la Tunisie», relate un vieil homme venu de Blida et descendant des Ath Meqqran. Aujourd'hui, les autorités, outre le coup de starter pour entamer la construction du mausolée, disent avoir une «sérieuse volonté» de restaurer le village historique tout en gardant les mêmes aspects architecturaux. Première démarche : le classement par décret d'El Kalaâ comme patrimoine national à sauvegarder. «Désormais, tout permis de construire doit passer par la direction de la culture pour vérification de la conformité avec l'architecture d'El Kalaâ, les maisons doivent être construites en pierre», instruit le wali en s'adressant au maire d'Ighil Ali, avant d'asséner : «Jamais les Kabyles ne peignent leur maison en jaune, ni ne posent des citernes au-dessus des dalles.» Et à un responsable d'un bureau d'études de l'interpeller : «Malheureusement, la pochette de 700 000 DA allouée dans le cadre du Fonal n'est pas conséquente pour la construction d'une maison en pierre. C'est pourquoi vous êtes appelés à la revoir à la hausse.» Deuxième pas : la restauration de quatre structures monumentales d'El Kalaâ. Il s'agit de la maison d'El Hadj Mohead Ath Meqqran, aujourd'hui en ruine, de la médersa, fondée en 1933 — ayant servi d'école pendant la journée et de centre culturel la nuit — de la poudrière ayant connu la fabrication d'armement pendant l'insurrection de 1871, actuellement pleine d'eau, ce qui rend l'accessibilité aux galeries souterraines qui la composent impossible et, enfin, de la grande mosquée d'El Kalaâ, bâtie au XVIe siècle. La troisième mesure prise est l'instruction d'installer un réseau d'assainissement pour pallier les problèmes d'évacuation dont souffrent les habitants. Comité de restauration «Les autorités ont revêtu toutes les ruelles sans penser à placer des buses devant servir à l'assainissement. Une fosse est creusée, mais des odeurs répugnantes s'y dégagent, faute d'une dalle qui l'empêche de se déployer», regrette un habitant. Selon Djamel Djoulait, maire d'Ighil Ali, une première étude a conclu que la bagatelle de 40 millions de dinars serait suffisante pour l'installation de ce réseau, mais vu la complexité de la tâche, une somme de 32 millions de dinars s'avère indispensable pour aller au bout du projet. «Avec des PCD de plus en plus rétrécis, suite à l'austérité prônée par le gouvernement, il nous est quasiment impossible de prendre en charge une telle dépense», a précisé le président de l'APC. Aux côtés de maître Ali Haroun, originaire d'El Kalaâ, ancien responsable politique de la Fédération de France et président d'honneur de la fondation El Mokrani, et du général-major à la retraite, Hocine Benmaâlem, ancien secrétaire du colonel Amirouche, le wali a promis l'installation d'un comité de suivi de la restauration d'El Kalaâ n'Ath Abbas. «Espérons que ce ne sera pas une énième verbigération qui entonne la même antienne», commente un adjoint du maire d'Ighil Ali.