Attaques au vitriol, réactions épidermiques et divulgation de dossiers en tout genre sur fond de lutte de clans : la lutte pour la succession de Abdelaziz Bouteflika est bel et bien lancée et la bataille des tranchées semble beaucoup plus féroce qu'elle paraît. Alors que la guerre de succession semblait entrer dans une phase d'accalmie durant l'année 2015, le retour tonitruant de Chakib Khelil, auquel s'ajoute la santé déclinante de Abdelaziz Bouteflika, a ravivé les passions. La hache de guerre est donc déterrée et les protagonistes risquent d'y laisser des plumes. Alors que les tenants du pouvoir et une partie de l'establishment qui rode autour du président malade tentent de minimiser les effets des scandales de l'ancien ministre de l'Energie, qui semble même la voie de recours d'une partie du système, les révélations sur l'implication de Chakib Khelil et de sa famille se poursuivent à un rythme soutenu. Et contrairement à ses allégations, ce dernier n'a fait état que d'une infime partie de sa colossale fortune, cachée dans plusieurs paradis fiscaux à travers le monde. Habituée à faire profil bas aux injonctions, la justice, qui a tenté de lancer en août 2013 un mandat d'arrêt contre l'ancien ministre de l'Energie, ne dit rien. Les promesses du garde des Sceaux, Tayeb Louh, de permettre à l'appareil judiciaire de s'autosaisir à chaque fois qu'il y a des déclarations publiques compromettantes, ne sont en fait que des vœux pieux. A fortiori lorsque cela concerne un membre proche du clan présidentiel. Pour tenter de donner la réplique, le pouvoir actionne ses soutiens médiatiques. Ennahar, qui s'est transformé ces derniers temps en une machine à broyer tout ce qui symbolise l'ancien DRS – ou tout ce qui est catalogué proche des Services que dirigeait le général Toufik – s'est donc lancée dans la chasse à Issad Rebrab, le grand patron mal-aimé de Bouteflika. Déjà persécuté et ses projets bloqués, le patron de Cevital est diabolisé au même titre que ceux qui refusent de plier. Des pseudo-dossiers souvent constitués de faux documents, sont montrés comme étant une vérité absolue. A l'image de ce qui arrive à El Khabar, les rares journaux qui osent encore écrire sur les frasques de Chakib Khelil ou d'autres proches du pouvoir sont vite attaqués et désignés comme des pestiférés. Le message est clair : il ne faut en aucun cas constituer un obstacle à la marche du nouveau messie choisi pour succéder au roi malade. Pris de court, certains cercles proches du système bouteflikien se sont tus jusque-là. Sans doute en attente d'un ciel plus dégagé, les Benyounès, Amar Ghoul ou autres petits partis, habitués à monter la garde du clan, semblent laisser la vague passer. Ils sont moins loquaces s'agissant de l'éventualité de voir Chakib Khelil constituer une alternative au pouvoir. Mais ils semblent gênés par la décision des autorités de mettre un bâton dans les roues de la presse indépendante. Le malaise est tellement énorme que pratiquement personne ne soutient Hamid Grine dans sa volonté d'étouffer El Khabar. Il reste maintenant à savoir jusqu'où ira le pouvoir dans sa politique suicidaire. Se tuera-t-il ou éliminera-t-il, tout simplement, les rares voix discordantes qui risquent de l'empêcher de perpétuer le système maffieux qui ronge les rouages de l'Etat ?