La scène médiatique vit ces jours-ci au rythme de graves dérives, qui remettent en cause les acquis du peuple algérien en matière de droit à l'expression libre de ses opinions, ses préoccupations et ses aspirations à vivre dans un Etat de droit. Nous enregistrons, nous collectif de journalistes exerçant dans différents supports de presse, que l'avenir du libre exercice de notre profession est sous la menace multiforme de répression et de harcèlement, s'inscrivant dans un processus de remise en cause du droit des Algériens (nes) à la liberté d'expression et à l'information consacrées dans les articles 48 et 50 de la Constitution algérienne. Nous enregistrons le retrait de l'Etat de son rôle de protection des droits garantis des citoyens et citoyennes et des travailleurs dans le domaine médiatique, en laissant le champ libre aux propriétaires des entreprises de presse de piétiner les droits légitimes des travailleurs à un salaire décent digne du métier qu'ils exercent : déclaration au niveau de la sécurité sociale ; orientation éditoriale contraire à la loi sur l'information ; exploitation occulte de la rente publicitaire publique ; octroi sélectif de la publicité publique ; l'embargo exercé sur les journaux dits «petites publications», ce qui les condamne à ne pas entrevoir leur développement. L'Etat s'est dessaisi de ses obligations d'assurer l'information pour le citoyen, comme stipulé dans l'article 36 du code de l'information, en se retirant du secteur de la diffusion de la presse écrite et de son rôle de régulation et de contrôle de ce secteur. Cette situation a engendré des pratiques malsaines, caractérisées par «des marchandages et chantages» exercés par des pseudo-journalistes et pseudo-éditeurs de presse, qui s'ajoutent à «l'octroi occulte» de la publicité des entreprises publiques à des titres sans lectorat, et des journaux non distribués dans les kiosques pour faire passer des marchés publics dans l'opacité, portant un grave préjudice à l'économie nationale. Nous enregistrons également les pressions et répressions sur la liberté d'écriture exercées par les annonceurs privés sur les propriétaires de journaux, au détriment du droit du citoyen à une presse intègre et crédible. Les titres bénéficiaires de cette manne publicitaire se transforment en entreprises de promotion et non d'information. Nous dénonçons la permissivité et la passivité de la Commission nationale d'octroi de la carte de presse avec nombre d'éditeurs qui attribuent cette carte à des personnes étrangères à la profession et sans aucune qualification, aggravant davantage la pollution du paysage médiatique et décrédibilisant toute une profession. Déviation déjà entamée avec la délivrance d'agréments de création de titres à des personnes non qualifiées comme stipulé dans l'article 23 du code de l'information. Cet état de fait explique en grande partie le classement peu honorifique de l'Algérie en matière des libertés et du respect des droits de l'homme par des organisations mondiales spécialisées, malgré le lourd tribut payé par les Algériens pour la reconquête de la souveraineté nationale et la survie de la République. La scène médiatique vit une déliquescence avancée, ceci nous oblige à revendiquer l'application des dispositions de la Constitution et des lois de la République garantes du droit du citoyen à la liberté d'expression et d'une presse libre et crédible. Nous appelons les journalistes et les partenaires sociaux, citoyens, associations, syndicats et forces politiques à œuvrer pour la tenue dans un proche avenir «des états généraux de la presse» afin de disséquer et débattre de la situation de la presse et élaborer une plateforme allant dans le sens de la protection du droit du citoyen à une presse libre et intègre, la protection de ceux qui exercent le métier du journalisme de toutes pressions et restrictions illégales. Notre conviction : sans une large adhésion de tous les acteurs sociaux, point de liberté de presse.