Le projet de loi organique relative à l'information est en examen au niveau de la commission communication, culture et tourisme de l'APN. Hier, un groupe de journalistes de la presse écrite a été invité à discuter de ce texte qualifié de «moderne» par le ministre de la Communication, Nacer Mehal. «Avant d'étudier le projet de loi article par article, nous avons décidé d'écouter les propositions des professionnels et bénéficier de leurs expériences», a précisé Tayeb Badi, président de la commission. «Nous veillerons à ce que le texte soit présenté sous le bel habit. Si on atteint un taux de satisfaction de 50 à 60%, ce serait bien», a-t-il ajouté. Le projet, composé de 132 articles, étalé sur 32 pages, codifie les activités de la presse écrite et des médias audiovisuels et électroniques. Il détaille les conditions d'installation des autorités de régulation de la presse. Curieusement, le texte est porteur aussi, dans son article 89, des règles relatives à l'éthique et à la déontologie journalistiques. Les professionnels présents à l'APN ont demandé la suppression de cette disposition en ce sens que la déontologie des médias relève des journalistes eux-mêmes, pas du gouvernement ! Ils ont critiqué l'article 2 du projet de loi qui impose des limites au «libre exercice» de l'activité d'information. D'après cette disposition, les journalistes, avant de faire le métier, doivent respecter, entre autres, «les exigences de la sûreté de l'Etat et de la défense nationale», «de la sauvegarde de l'ordre public», «des impératifs de la politique étrangère du pays»… Les professionnels ont demandé à ce que ces notions soient précisées et clarifiées pour qu'elles ne soient pas utilisées comme moyens de pression. Ils ont également prévenu sur le rôle futur de l'autorité de régulation sur la presse écrite et celle devant réguler l'activité des médias audiovisuels. «Il ne faut que ces autorités deviennent des appareils bureaucratiques et répressifs», a estimé un intervenant. Un autre a prévenu contre le fait que ces autorités, appelées à terme à remplacer le ministère de la Communication, ne ressemblent à une police qui régente l'activité médiatique. L'autorité de régulation sur la presse écrite peut accorder l'agrément aux nouveaux journaux, peut le retirer en cas d'infraction à la loi, a droit de contrôle sur les comptes des entreprises de presse, doit être informée sur l'identité des journalistes qui signent d'un pseudonyme, surveille le contenu et l'objectif des publicités, autorise ou non l'importation des périodiques étrangers… Bref, un droit de vie et de mort sur les médias. L'article 27 du projet de loi sur l'information stipule que «les publications périodiques doivent publier annuellement le bilan comptable certifié de l'exercice écoulé. Faute de quoi, l'autorité de régulation de la presse écrite peut signifier la suspension de la parution». Les journalistes ont estimé que les entreprises de presse communiquent leurs bilans à l'administration fiscale et au Centre national du registre du commerce. «Pourquoi doivent-elles le faire à l'autorité de régulation ? C'est insensé», a estimé un reporter. Un autre a observé que la publicité publique distribuée par l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP) se fait sur des bases politiques et non pas économiques. Il a proposé de soumettre l'action de l'ANEP en matière de publicité au contrôle direct du Parlement et de mettre un terme à l'opacité dans ce domaine. Sur un autre chapitre, des journalistes ont proposé un seuil minimal de tirage pour les publications pour que les journaux méritent le titre de «quotidiens nationaux». Une reporter a remarqué que la loi 90/07, toujours en vigueur, n'a pas protégé comme il le faut les journalistes tant sur le plan social que professionnel. Le projet de loi de Nacer Mehal renvoie au statut de journaliste, mais ne précise pas lequel. Celui en vigueur ? Ou s'agit-il d'un autre ? Le projet évoque «le secret professionnel» pour les journalistes, mais reste silencieux sur l'impérative protection des sources.