La France « doit assumer son histoire » coloniale en Algérie pour que les deux pays puissent « construire une relation de confiance », a estimé l'ancien chef de la Fédération du FLN en France, Omar Boudaoud, dans un entretien accordé hier à l'APS. « Le massacre des Algériens perpétré par la France n'a pas de nom. Il a duré sept ans et demi, dans sa période la plus noire durant la guerre de Libération nationale, et plus de 130 ans en tout », a déclaré M. Boudaoud. « Le commencement, c'est 1830. La France est venue occuper l'Algérie, piller le trésor de La Casbah d'Alger. Ce n'est pas l'Algérie qui a provoqué la France. Et puis il y a tout le reste, en 130 ans d'occupation, les terres et les richesses spoliées ... », a-t-il rappelé. « Il faudrait que chacun reconnaisse ce qu'il avait fait durant cette période et c'est comme ça qu'on arrivera à aplanir un passé très douloureux, si on veut construire le présent et l'avenir », a-t-il souligné. M. Boudaoud a souhaité, à la veille de la commémoration du 45e anniversaire des événements du 17 octobre 1961, que « chacun assume son histoire pour construire la confiance ». « Avec le temps, il arrive un moment où chacun doit assumer son histoire. C'est ainsi qu'on peut créer un climat de confiance entre les deux peuples algérien et français », a-t-il insisté. Revenant sur les manifestations des émigrés algériens à Paris le 17 octobre 1961, violemment réprimées par la police française, M. Boudaoud a relevé le contexte de l'époque, marqué par le début des contacts secrets entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et le gouvernement français, qui ont abouti à l'indépendance de l'Algérie. « C'était alors une épreuve de force entre les deux parties, car parallèlement aux négociations politiques, chacune voulait montrer sa force à l'autre pour arracher des concessions à l'adversaire », a-t-il expliqué. Massacre sur la Seine En soumettant le projet des manifestations du 17 octobre au GPRA, dont dépendait la Fédération du FLN en France, « Lakhdar Bentobal m'a envoyé un message pour me dire que si elles réussissaient, ça serait une victoire pour la Révolution tout entière, et que dans le cas contraire je devais prendre mes responsabilités ». « Heureusement, s'est félicité M. Boudaoud, le succès des manifestations a dépassé toutes nos espérances. Elles ont donné un nouveau souffle à nos militants et leur ont redonné confiance, mais, surtout, elles ont démontré au monde le soutien dont jouissait le FLN sur le sol même de l'ennemi. » A signaler que de nombreuses associations, des partis politiques et syndicats ont appelé à un rassemblement pour aujourd'hui mardi pour « exiger la reconnaissance officielle du crime commis par l'Etat français colonial » le 17 octobre 1961, à Paris, lorsque des milliers d'Algériens furent massacrés par la police. « 45 ans après, la vérité est en marche, mais la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées, en particulier dans la guerre d'Algérie et dans le cortège d'horreurs qu'elle a entraîné, ni dans ce crime d'Etat que constitue le 17 octobre 1961 », soulignent les associations dont la Ligue française des droits de l'homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), les Oranges, le Parti communiste français (PCF), l'Union d'associations pour la diversité et l'égalité (UNADE) et le parti des Verts. « Certains osent continuer à parler des bienfaits de la colonisation », poursuivent-elles, soulignant que « le devoir de mémoire s'impose pour cette période sombre de notre histoire comme il s'est imposé pour la période de la collaboration vichyste avec l'Allemagne nazie ». « Ce n'est qu'à ce prix que pourront disparaître les séquelles les plus graves de la guerre d'Algérie : le racisme dont sont victimes aujourd'hui les ressortissants d'origine algérienne ou, par extension, du Maghreb ou d'anciennes colonies », ont ajouté les signataires d'une déclaration commune soutenue également par l'association 17 Octobre 1961 : contre l'oubli, l'Association des combattants de la cause anticoloniale (ACCA), Alternatifs, Au nom de la mémoire, Comité Justice et Vérité Charonne, Indigènes de la République, le Mouvement pour une alternative républicaine et sociale (MARS), le Mouvement pour l'égalité (MPE), et l'UNADE, entre autres. Ce rassemblement est prévu aujourd'hui pour « exiger la reconnaissance officielle du crime commis par l'Etat français les 17 et 18 octobre 1961, la liberté d'accès effective aux archives pour tous les historiens et citoyens et un lieu de mémoire en souvenir des victimes du colonialisme ».