Nos routes enregistrent de véritables hécatombes. Une moyenne de 14-15 morts par jour est constatée par les services concernés. En 2015, 4610 personnes sont mortes sur la route, dont 1547, soit 34%, avaient moins de 30 ans. Des chiffres inquiétants rendus publics par Ahmed Naït El Hocine, directeur du Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR) et repris par l'APS, qui montrent également que plus de 41% des 55 994 blessés vont devoir vivre avec un handicap. M. Naït El Hocine qualifie «la facture humaine de l'insécurité routière» d'«insupportable, voire intolérable». «Ce bilan relève d'une véritable tragédie nationale. Plus de 4000 morts, des dizaines de milliers de blessés et des pertes économiques se chiffrant en dizaines de milliards de dinars, tel est le tribut versé annuellement à l'insécurité routière dans notre pays», a-t-il déclaré à l'Aps. Le responsable met en avant les coûts des accidents de la route en se référant aux statistiques des compagnies d'assurance qui avancent un montant de 44,8 milliards de dinars pour la seule indemnisation des sinistres automobiles au titre de l'année 2014, l'équivalent de plus de 400 millions d'euros. M. Naït El Hocine précise par ailleurs qu'en l'absence d'une étude de référence en la matière, il y a lieu de s'appuyer sur «les estimations établies par les instances internationales, notamment celles contenues dans le document relatif au plan mondial pour la décennie d'action pour la sécurité routière 2011-2020, lequel évalue les conséquences économiques des accidents de la route entre 1% et 3% du PNB de chaque pays». Revenant sur les causes de cette hécatombe, M. Naït El Hocine évoque les résultats de «l'étude analytique des données d'accidentologie» au cours de la dernière décennie, qui démontrent que «le facteur humain, plus particulièrement l'inobservation des règles de la circulation routière est le dénominateur commun des drames survenus sur la route». Pour lui, le facteur humain est donné pour être la cause de 90% des accidents, suivi très faiblement par les deux autres déterminants que sont l'état de l'infrastructure routière et celui du véhicule. Cette situation catastrophique semble malheureusement résister à toutes les initiatives répressives, prises souvent dans l'urgence, contre le terrorisme routier. La dernière mesure a été la mise en place de la Délégation nationale à la sécurité routière en remplacement, avant la fin 2016, du Cnpsr. 55 994 blessés en 2015, dont 41% handicapés à vie M. Naït El Hocine a confié à l'APS : «Vu le nombre croissant d'accidents de la route causant annuellement plus de 4000 morts et des dizaines de milliers de blessés, la Délégation nationale à la sécurité routière, qui sera mise en place prochainement, mettra en œuvre la stratégie du gouvernement face aux accidents de la route. Des décisions à l'encontre des conducteurs seront dorénavant prises par le gouvernement et non pas par de multiples organismes.» Et d'ajouter : «Avec le nouveau système, la coordination entre les différents secteurs concernés (police et gendarmerie nationale notamment) s'imposera d'elle-même.» M. Naït El Hocine déplore «l'inefficacité» du centre qu'il gère et qui, selon lui, n'existe que sur papier. «Pour preuve, explique-t-il, les comités de wilaya, qui devaient être créés il y a 20 ans, n'ont jamais vu le jour.» Il juge les réponses apportées par les pouvoirs publics aux dangers de la route de «parcellaires dans le sens où les secteurs concernés interviennent individuellement sur certaines causes de la sinistralité sans jamais faire de la route un sujet global, sans articuler ensemble la totalité des facteurs impliqués». A titre d'exemple, il cite les méthodes de collecte des données, qui «s'appuient sur des canevas hétérogènes produits par différentes institutions et qui, jusqu'à aujourd'hui, ne s'intègrent pas dans un système national cohérent, capable de fournir les informations nécessaires pour la compréhension du phénomène et pour la préparation et la mise en œuvre de la politique nationale de sécurité routière». Il affirme aussi que les actions de communication, les campagnes de prévention routière et les plans opérationnels de lutte contre l'insécurité routière «ont été menés et exécutés de manière disparate par les différents intervenants en fonction des besoins sectoriels et des réalités observées au niveau de leurs zones de compétence, et ce, en l'absence d'un plan stratégique national préalablement défini, fixant les priorités et les principaux axes d'amélioration ce à quoi la nouvelle instance s'attellera à remédier. Ainsi, il est attendu que la Délégation prenne en charge, entre autres, les missions d'encadrement des activités d'enseignement de la conduite automobile et d'organisation des examens des permis de conduire, qui sont actuellement dévolues au Centre national des permis de conduire qui sera, lui aussi, dissous. Cette délégation aura la prérogative de proposition et d'examen des textes législatifs et réglementaires intéressant le domaine de la sécurité routière, avant leur transmission pour validation et adoption au niveau de l'instance habilitée. Elle sera interministérielle et présidée par le Premier ministre. Elle prendra aussi la forme d'un conseil ou d'un comité interministériel de la sécurité routière». M. Naït El Hocine signale, en outre, que «l'instance interministérielle, qui se réunira au moins une fois par an, fixera les orientations stratégiques du gouvernement dans ce domaine et s'assurera de leur mise en œuvre. Elle examinera également les projets de loi et de décret relatifs à la sécurité routière. Les décisions stratégiques prises par cette instance gouvernementale auront forcément une plus grande force d'exécution et la Délégation nationale sera en charge notamment de la traduction technique des décisions en matière de politique locale de sécurité routière et du pilotage des programmes qui en découle». Le responsable estime que la délégation constituera «un relais opérationnel doté de larges prérogatives dans le domaine de la législation routière, de la formation, de l'éducation routière, de la communication et de la surveillance et contrôle». M. Naït El Hocine annonce que «des mesures sévères seront appliquées sur notamment les conducteurs des moyens de transport à travers la refonte des programmes d'enseignement de la conduite, l'institution du brevet professionnel pour les conducteurs de transport de voyageurs et de marchandises, l'adoption du dispositif du chrono-tachygraphe (mouchard), la révision des conditions d'organisation des auto-écoles et leur contrôle. Des mesures qui immanquablement auront un impact positif sur les conditions de sécurité routière dans notre pays».