L'article 43 du code communal semble devenir un véritable instrument de pouvoir entre les mains des walis en Algérie. Gare aux élus qui ne sont pas en odeur de sainteté avec le chef de l'exécutif de leur wilaya. Celui qui conteste ses décisions ou n'obéit pas à ses instructions risque de faire les frais de l'article en question à la moindre plainte ou problème avec la justice. Dans la wilaya de Boumerdès et partout ailleurs, de nombreux présidents d'APC et élus ont été relevés de leurs fonctions par les walis en application de cette disposition qui stipule que «l'élu faisant l'objet de poursuites judiciaires pour crime ou délit en rapport avec les deniers publics… est suspendu par arrêté du wali jusqu'à intervention de la décision définitive de la juridiction compétente». Cet article qui pèse comme une épée de Damoclès sur la tête des élus a ouvert la voie à tous les abus. De nombreux présidents d'APC, dont ceux de Boumerdès, Souk El Had et trois élus de Khemis El Khechna ont été relevés ces derniers mois de leur poste parfois pour «des faits banals» avant même leur condamnation par la justice. Bien qu'il ait été acquitté en mai dernier par la justice, le président de l'APC de Boumerdès, M. Aït Si Larbi (FFS), n'est toujours pas réhabilité dans son poste. «L'article en question remet en cause le principe de la présomption d'innocence. Normalement, c'est la justice qui est habilitée à suspendre un élu, pas le wali. Ensuite, il est injuste et inconcevable de le suspendre juste après sa convocation par le juge», soutient le président de l'APC de Timezrite, Amar Berara, avant de dénoncer «la politique du deux poids deux mesures dans l'application de la loi». Il y a quelques jours, c'est le président de l'APC de Zemmouri (Boumerdès) M. Laïdi, qui a fait les frais du fameux article, lui qui a été destinataire d'une décision de suspension de la part du wali, Nouria Yamina Zerhouni, pour «une histoire des plus farfelues». Deux poids deux mesures M. Laïdi a été poursuivi, puis condamné à un an de prison ferme pour «avoir établi un certificat de résidence non conforme à l'un de ses administrés». Des faits qu'il dit n'avoir jamais commis, précisant que l'affaire remonte à 2010, soit 2 ans avant son élection à la tête de l'Assemblée. «C'est une affaire qui a été montée de toutes pièces. Je suis victime d'une machination parce que j'ai voulu m'attaquer à la mafia du foncier. J'ai ouvert beaucoup de dossiers liés au détournement du foncier au niveau de la forêt Sahel, au bord de la mer. Et j'ai même déposé plainte auprès du procureur pour récupérer ces biens de l'Etat», a-t-il indiqué. Pour lui, la décision de sa suspension ne devrait être prise qu'après l'épuisement des voies de recours devant la justice. «J'ai été condamné par le tribunal de première instance. J'ai introduit un recours auprès du procureur. J'ai perdu la bataille, pas la guerre», ajoute-t-il. Selon nos sources, au moins une trentaine d'élus dont 13 présidents d'APC ont été relevés de leur poste dans la wilaya de Boumerdès depuis la promulgation du nouveau code communal en 2012 ; la plupart ont été acquittés par la justice, mais jamais réhabilités dans leur poste. Il est vrai que certains ont brillé par une gestion catastrophique des deniers publics, mais leur suspension devrait, selon les juristes, être du ressort de la justice. L'article 43 est devenu une arme que les walis utilisent contre celui qu'ils veulent et quand ils le veulent. C'est ainsi qu'on trouve des maires qui sont toujours en poste malgré leur condamnation à des peines de prison, alors que d'autres ont été relevés juste après leur convocation par le juge. «Auparavant, le président d'APC pouvait être révoqué suite à un retrait de confiance des 2/3 de l'Assemblée. Aujourd'hui, il n'est redevable que devant le wali. L'essentiel pour lui c'est d'avoir la confiance et la bénédiction de ce dernier», explique le maire de Timezrite.