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«Nous n'avons pas de définition précise de ce qu'est un individu pauvre»
Abdoune Benallaoua. Economiste de la pauvreté
Publié dans El Watan le 20 - 06 - 2016

- Comment expliquez-vous l'absence d'une base de données sur le phénomène de la pauvreté en Algérie, comme l'a reconnu récemment le gouvernement ?
Cette question est cruciale et touche le fond du problème de la pauvreté en Algérie. Si vous me le permettez, mon expérience peut aider les lecteurs à comprendre le vide «statistique» en la matière. En effet, ayant préparé ma thèse de doctorat dans un laboratoire spécialisé dans la pauvreté, j'ai rapidement constaté le retard enregistré par l'Algérie en matière de statistiques sociales. Des bases de données sont disponibles pour la quasi-totalité des pays en développement et certains pays émergents.
Pour certains pays, des données de panel existent et couvrent des périodes assez longues. Voulant m'intéresser au cas de mon pays, j'ai voulu me lancer dans l'analyse de la pauvreté en tentant d'estimer un seuil de pauvreté, le taux de pauvreté, les profils de pauvreté et la relation entre la pauvreté monétaire et non monétaire. Après plusieurs tentatives pour me procurer la base de données sur le niveau de vie des Algériens issue de l'enquête de 2001, j'ai compris qu'il n'y avait aucun moyen d'y parvenir.
Je me rappelle parfaitement des propos d'un responsable à l'Office national des statistiques à Alger, qui m'a assuré qu'il pouvait me fournir toutes les informations que je désire, à l'exception de cette base de données, car elle concerne un sujet très sensible. La sensibilité du sujet est clairement une des raisons principales de la rareté des données et de leur inaccessibilité. A présent, abordons le manque quantitatif et qualitatif de données sur le niveau de vie des ménages en Algérie. Tout d'abord, concernant l'aspect quantitatif, les bases de données ne sont pas absentes mais très rares.
Je précisais plus haut l'existence d'une enquête faite en 2001. Il y a eu d'autres enquêtes et notamment celle sur les dépenses des Algériens en 2011, qui me semble être la plus récente. Concernant l'aspect qualitatif, nous pouvons constater l'absence d'une véritable enquête qui intègre l'ensemble des dimensions de la pauvreté. En effet, des enquêtes sont réalisées, mais chacune se focalise sur un aspect précis du niveau de vie : nous pouvons citer les enquêtes sur l'emploi, sur la santé des familles, sur les revenus et les dépenses des ménages….
La pauvreté étant un phénomène extrêmement complexe, elle doit être appréhendée par des enquêtes de type niveau de vie, englobant les aspects monétaires (les dépenses, les revenus) et non monétaires (la satisfaction des besoins de base, les capacités). La méthode d'échantillonnage adoptée et l'analyse de représentativité des échantillons des enquêtes ne sont pas très détaillées, alors qu'il s'agit ici d'éléments fondamentaux conditionnant la fiabilité des résultats obtenus.
Pour aller plus loin dans le diagnostic, il y a lieu de signaler l'exploitation très basique des résultats des rares enquêtes réalisées. Dans le rapport issu de l'enquête sur les dépenses des Algériens, des analyses statistiques de base avec des tableaux croisant deux ou trois variables sont exposées. L'étude portant sur un échantillon, des méthodes statistiques multidimensionnelles et surtout différentielles seraient plus adaptées. Enfin, il faut souligner le fait que ces enquêtes sont très lourdes et nécessitent des moyens logistiques, humains et donc financiers considérables.
Elles sont initiées généralement par les gouvernements, les organisations internationales et les organismes de statistiques nationaux. La communauté scientifique et les universités algériennes devraient prendre leurs responsabilités en réalisant des études à l'échelle locale pour combler le manque de statistiques et d'analyse sur le niveau de vie. Pour l'instant, les études de terrain se font rares et une prise de conscience s'impose.
- Ces défaillances en informations statistiques ne risquent-elles pas de freiner l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté ?
Ces défaillances bloquent totalement toute possibilité de mise en place d'une stratégie efficace de lutte contre la pauvreté. En Algérie, nous ne sommes pas en mesure de préciser des seuils de pauvreté, c'est-à-dire le montant du revenu ou de dépense en dessous duquel un individu est considéré comme pauvre. Les profils de pauvreté selon des variables socio-économiques et démographiques des individus sont inexistants. Il n'existe pas des mesures de la profondeur ni des inégalités au sein des catégories pauvres. Un indice synthétique de pauvreté non monétaire est absent.
Lutter contre la pauvreté consiste à aider, à assister le pauvre pour qu'il puisse subvenir à ses besoins de base et surtout pour qu'il puisse s'en sortir par l'insertion professionnelle ou la formation. Malheureusement nous n'avons pas de définition précise de ce qu'est un individu pauvre. De ce fait, il est évident qu'un ciblage à travers des politiques publiques est impossible. A mon sens, la première étape d'une stratégie efficace de lutte contre la pauvreté consiste à mettre en place des mesures rigoureuses des indices de pauvreté et de ses profils.
- Les subventions n'ont pas manqué durant la période d'aisance financière qu'a connue le pays. Mais elles n'ont pas profité aux pauvres, pourquoi ?
En l'absence d'un système d'information fiable et d'une identification précise des contours de la pauvreté en Algérie, les subventions des prix représentaient le seul canal à travers lequel l'Etat pouvait intervenir. Le ciblage des pauvres étant impossible, la politique sociale s'appuyait sur ces subventions qui agissent sur le niveau des prix et donc sur le pouvoir d'achat des citoyens.
L'inconvénient des subventions est assez connu : ces dernières, qui sont censées aider les plus pauvres à accéder à des biens et services de première nécessité, profitent aussi, pour ne pas dire essentiellement, aux riches. Les riches consomment comme les pauvres des produits de première nécessité et bénéficient ainsi au même titre que les pauvres des aides de l'Etat.
L'exemple des subventions aux carburants est frappant, puisque ce sont les individus appartenant aux quintiles des plus riches, qui consomment la quasi-totalité de ce produit. C'est ainsi que nous constatons qu'étant incapable de cibler par des transferts les couches les plus pauvres (car non identifiées), l'Etat tente de jouer son rôle en accordant des aides généralisées à travers des subventions. Nous ne pouvons pas nous attendre à des résultats significatifs. Ces résultats doivent surtout êtres liés au coût de ces subventions, qui représentait en 2012 18% du PIB. Une enveloppe budgétaire qui aurait pu sûrement être utilisée d'une manière plus efficace avec un meilleur ciblage des populations nécessiteuses.
Il y a ensuite la question de savoir s'il convient de supprimer ces subventions au prétexte qu'elles profitent aussi aux riches et qu'elles sont coûteuses et peu efficaces. A mon sens, Il serait opportun de les maintenir pour les produits de première nécessité. Il s'agit de proposer une alternative viable et plus efficace avant de penser à supprimer cette aide qui risque d'avoir comme effet une détérioration considérable du niveau de vie des plus pauvres.
- Comment faire pour limiter l'impact de la crise économique sur cette catégorie de la société ?
Les catégories de la population les plus vulnérables aux crises sont effectivement les couches les plus pauvres. Il est connu en sciences économiques que l'Etat a pour mission la régulation de l'économie à travers des lois adaptées et la redistribution des revenus à travers l'impôt. Au risque de nous répéter, un ciblage efficace passe inexorablement par une identification précise des catégories les plus pauvres. Une fois la définition de la pauvreté établie d'une manière précise, l'Etat peut mettre en place une politique d'aide par transferts sociaux aux catégories dont les revenus n'atteignent pas le seuil de pauvreté.
L'autre enjeu consiste à éviter les abus et les fraudes. Pour y parvenir, il conviendra de mettre en place un système national d'information reliant les fichiers de la sécurité sociale et les services des impôts. Ce système permettra de vérifier et de croiser les données sur les revenus des individus. Enfin, la lutte contre l'emploi informel doit s'amplifier afin de limiter les revenus échappant au système d'information officiel.
Pour finir, la lutte contre la pauvreté ne consiste pas seulement à distribuer des revenus aux plus pauvres.
Elle doit se baser aussi sur la mise en place d'un environnement économique et social permettant aux individus de se prendre en charge eux-mêmes. Un bon système éducatif, un système de santé efficace, plus de libertés individuelles sont autant de domaines qui peuvent contribuer à l'amélioration du niveau du bien-être en permettant aux individus d'étendre l'espace de leurs capacités et de pouvoir mener la vie qu'ils souhaitent pour reprendre les termes d'Amartya sen.


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