Comme en illustration parfaite des abus de sondages affectionnés sans modération depuis de longues années par le directeur de l'ENTV, à quelques jours d'intervalle du dernier produit sur la fréquentation de « sa » télé, une étude du Centre national d'études et d'analyses pour la population et le développement (CNEAP) vient d'indiquer ce qu'une enquête sur la société peut produire de sens. En plus du travail préliminaire de l'investigation le CNEAP a investi trois mois de réalisation portant sur pas moins de 5080 foyers représentatifs répartis sur 42 wilayas, et cinq autres de traitement des données. Méthodiquement les chercheurs ont livré d'éloquents indicateurs sur « le niveau de vie et la mesure de la pauvreté en Algérie ». Du tableau dressé d'autres chercheurs, des décideurs et des hommes politiques peuvent tirer leurs lectures, pour développer, interpréter les possibles sens des chiffres, et de réalités sociales toujours complexes ; et entreprendre des actions adéquates. Sans imposer « une » lecture, commandée par le commanditaire. Parce que par définition une enquête suggère un entendement pour pouvoir l'approfondir. Il n'y aurait pas lieu, ni nécessité forcément, de pointer la pratique de commande de sondages en feuilleton à tout va - à des boîtes privées, et sous discrétion de budget – sans la velléité avérée des dirigeants de l'ENTV de fabriquer par l'artifice et la démagogie une autre image de la perception de la télévision algérienne censée être de service public. Et pour laquelle, on a tendance à nous le faire oublier, tous les usagers du réseau d'électricité sont tenus de payer une dîme : téléspectateurs ou non. Pour sortir du bricolage des praticiens de sondage, percevoir enfin « la mesure de notre pauvreté en droit à l'information télévisuelle », le directeur de l'ENTV peut-il au moins une fois passer commande d'investigation au CNEAP ? En tout cas remémorons nous, parce qu'il fait toujours sens, l'avertissement lancé dès 1948 par le psychosociologue D. Kretch. « Si nous continuons, écrit-il, à définir « l'opinion publique » en termes de réactions verbales (à un sondage) sans avoir une claire compréhension de ce qu'est une croyance, une opinion, une attitude ou un jugement, la plupart de nos sondeurs d'opinion publique risquent de se retrouver dans la position d'un aveugle équipé d'un microscope à haute puissance dans une cave obscure et à la recherche d'un chat noir, qui n'est pas là, et qui pourtant fait régulièrement paraître des « rapports d'étape sur l'évolution du chat. »