Il y a d'abord les chiffres qui donnent le tournis et qui rappellent la détresse d'une partie de la population de la planète. Selon le rapport statistique annuel du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), c'est la première fois que le seuil des 60 millions de personnes réfugiées et déplacées a été franchi, et cela représente plus que la population du Royaume-Uni. Ce nombre est en forte hausse par rapport au chiffre de 2014 (59,5 millions). En outre, le nombre de réfugiés, personnes ayant quitté leur pays, a dépassé les 21 millions, et celui des personnes déplacées, ayant quitté leur foyer sans quitter le pays, les 41 millions. On comptait également l'an dernier plus de 3 millions de demandeurs d'asile dans les pays industrialisés. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, «un être humain sur 113 est aujourd'hui déraciné, il est demandeur d'asile, déplacé interne ou réfugié». Voilà pour les chiffres. C'est dans ce contexte que le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), en collaboration avec le bureau du HCR à Alger, a organisé une rencontre scientifique sur les migrations de crise et plus particulièrement sur celles touchant les réfugiés africains. Pour le docteur Mohamed Saïd Musette, directeur de la division Développement humain et économie sociale au Cread, il est d'abord impératif de rappeler la distinction entre réfugiés et migrants, basée sur deux concepts des mouvements migratoires tels que définis par les Nations unies en 1999. Pour faire simple, la distinction fondamentale repose entre ces deux types de mouvements : d'une part, «ceux qui émigrent volontairement vers un pays tiers pour une période déterminée ou définitive», et les réfugiés «qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements dans une partie ou dans la totalité de leur pays d'origine ou du pays dont ils ont la nationalité sont obligés de quitter leur résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit». Dans le cas de l'Algérie, si les choses bougent lentement, beaucoup restent à faire, alors que les autorités ont pris conscience de la complexité de la situation. Depuis 2010, les enfants des réfugiés ont accès à l'école et aux soins. Mais l'Algérie tarde à mettre en place un statut du réfugié et de l'apatride, alors que le pays a ratifié toutes les conventions internationales. Une situation pénalisante, qui empêche les réfugiés d'accéder au marché de l'emploi. Dans une tentative de rassurer l'assistance, le représentant du ministère des affaires étrangères a assuré que le «texte a bien avancé». Pour sa part, M. Musette, qui a regretté que l'on accepte la «libre circulation des capitaux et que l'on refuse celle des êtres humains», est revenu sur certaines idées reçues. Ainsi, plus de 80% des réfugiés africains restent en Afrique, alors qu'ils ne sont que 6% à choisir l'Europe. Sur les 14 millions de réfugiés recensés par le HCR en 2015, l'Europe n'héberge seulement que 11% d'entre eux.