Après plusieurs mois d'ajournement, le gouvernement a fini par installer les membres de la fameuse Autorité de régulation de l'audiovisuel prévue par la loi portant organisation de l'activité audiovisuelle promulguée en 2014. Cette instance, qui aura en charge de réguler et d'organiser le secteur des médias lourds, est présidée par le journaliste, communicant et ancien directeur général de la Radio nationale, Zouaoui Benhamadi. Cette «autorité indépendante» compte neuf membres, dont des universitaires et des journalistes, nommés pourtant par décret présidentiel. Aucun membre n'est proposé par les médias. Cinq membres dont le président de l'Arav sont désignés par le président de la République, alors que deux membres sont choisis par le président du Conseil de la nation et deux autres sont proposés par le président de l'Assemblée populaire nationale. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui a procédé hier à l'installation de l'ARAV, a affirmé que cet organe «est indépendant et son action n'est encadrée que par les seules dispositions de la loi». M. Sellal n'hésite cependant pas à donner des instructions et injonctions aux membres de l'ARAV. «Les actes de diffamation, de chantage et d'appels à la violence et à la fitna seront également et fermement combattus et sanctionnés», dit-il aux membres de l'Autorité fraîchement installés, censés être les seuls juges et contrôleurs de l'activité audiovisuelle. Le Premier ministre qui, il y a quelques semaines avait déjà pris la décision de procéder à la fermeture de plusieurs chaînes de télévision non «autorisées» par ses services, souligne encore dans son allocution que le gouvernement et l'ARAV «soutiendront et seront aux côtés des médias qui s'inscriront dans cette démarche vertueuse, dans le respect de la loi et de la liberté d'information et d'expression». Et d'ajouter : «La loi sera strictement appliquée pour protéger les droits des journalistes et des artistes qui travailleront dans ce domaine, veiller au respect de la législation et de la réglementation en vigueur et sévir en cas d'atteinte à la mémoire collective, aux référents religieux, à l'identité nationale ou à la cohésion de la société.» Le Premier ministre donne ainsi la feuille de route à suivre par l'ARAV. «Nous attendons de ses membres une action volontariste, pour veiller au libre exercice de l'activité audiovisuelle, à l'impartialité, à l'objectivité, à la transparence, à la promotion des langues nationales et au respect des valeurs et des principes de la société algérienne», indique encore M. Sellal. La mission de l'ARAV est ardue. L'anarchie règne dans le secteur de l'audiovisuel où les chaînes privées sont tolérées et non autorisées à travailler dans la légalité. Un secteur où les marques d'allégeance au pouvoir font passer les graves dérives et atteintes à la déontologie. Alors que le moindre signe de critique de la politique gouvernementale peut valoir à la chaîne une menace de fermeture. L'ARAV est appelée à mettre de l'ordre dans un secteur piégé par l'instrumentalisation politique. Comment réagira-t-elle sur l'affaire KBC ? Comment fera-t-elle face aux incessants dérapages assumés par les télévisions privées dites proches du cercle présidentiel ? Assumera-t-elle les critères d'allégeance au pouvoir dans le choix des chaînes autorisées à émettre ? Un grand chantier attend les membres de l'ARAV.