La vente concomitante, une pratique interdite et punie par la loi, se banalise et tend à se généraliser pour certains produits à Béjaïa. Il suffit de faire la queue devant une épicerie pour acheter du lait en sachet afin de s'en rendre compte. Les commerçants obligent les consommateurs à payer un sachet de lait 100 % vache à l'achat de quatre et parfois deux sachets de lait pasteurisé ordinaire. Les commerçants, souvent interpellés par des clients irrités, renvoient la balle dans le camp des distributeurs, puis des producteurs qui imposeraient un quota de sachets de lait de vache qui ne s'écoule pas facilement, selon eux. Interrogés sur les raisons du rejet ou de l'insuccès de ce lait, des clients montrent du doigt son prix jugé trop élevé, à 50 DA le litre. Ils estiment, en majorité, «qu'il n'est pas à la portée des petites bourses et des familles nombreuses d'autant plus que les ménages ne peuvent se passer de la consommation quotidienne du lait pasteurisé». D'autres consommateurs ne trouvent pas goût au lait en sachet 100% vache. Ils affirment que ce produit, dont celui conditionné dans la laiterie d'Amizour, a l'odeur «de la bouse de vache». Pour les commerçants «le lait de vache se vend en petites quantités. Il n'est pas aussi prisé que le lait ordinaire». La SPA Laiterie d'Amizour, du groupe Giplait, produit chaque jour 80 000 sachets de lait LCP (ordinaire), soit 80% des besoins de la wilaya qui sont de 100 000 litre/jour. Son PDG, Amazouz Hocine, réfute le mot «imposer». «Je ne suis pas d'accord avec cette formule. Ce qui se passe, c'est qu'en période de forte lactation, vers le mois de mai, nous collectons pas moins de 18 000 litres/jour. Alors, face à cette surproduction, nous nous réunissons avec nos partenaires, notamment les distributeurs et nous leur expliquons qu'il y a un excédent de lait de vache que nous devons écouler» explique notre interlocuteur. En application des directives du gouvernement qui consistent en l'encouragement des éleveurs -Béjaïa en compte 225- et la production locale, ajoute-t-il, «la direction explique aux distributeurs qu'il s'agit d'une conjoncture qu'on doit prendre en charge sans obliger personne à suivre, mais il s'agit d'aider». Vraisemblablement les distributeurs acceptent ces termes du contrat moral, mais sur le terrain, «au lieu de sensibiliser et expliquer cela aux clients, certains distributeurs et commerçants leur répondent simplement que ce lait leur est imposé et qu'ils font de même». Quant à l'odeur du lait, le PDG rassure : «le lait de vache produit à Amizour est d'une qualité irréprochable du fait qu'il subi des analyses bactériologiques et physiques (le taux de matière grasse, acidité, densité…) à l'arrivée à l'usine. Son odeur et son goût sont naturels. Cela dépend d'un consommateur à un autre. Ceux qui se sont habitués à consommer du lait en poudre transformé pendant des années peuvent, en effet, trouver anormaux le goût et l'odeur brute et naturelle du lait cru». Et d'ajouter que «d'autres contrôles sont effectués au niveau des fermes» et qu'«après les analyses, le lait est pasteurisé pour assurer un produit du jour saint et conditionné dans un environnement répondant aux normes». Abondant dans le même sens, un technicien chargé du contrôle à la direction du Commerce estime : «pourtant, c'est le processus de transformation du lait cru en poudre qui éloigne la qualité du lait dit ordinaire de son origine, la vache. Par contre, la transformation du lait cru en poudre prive le produit d'une bonne partie de sa qualité nutritionnelle». Par ailleurs, dans le but «d'absorber» les quantités de lait cru qui sont produites localement, la laiterie d'Amizour s'engage, selon son PDG, dans le cadre de l'accompagnement des éleveurs à travers la nouvelle politique agricole, de lancer d'autres produits à base de lait 100% vache comme le petit lait, le lait de vache en carton et le fromage de type Camembert.