Pour marquer la fin du cycle des spectacles ramadanesques et à l'occasion de la célébration de Lilet Al Qadr ou Nuit du Destin, l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) a convié, vendredi soir, la toute nouvelle formation Lemma Becharia. C'est dans l'un des magnifiques patios de la Villa Abdelatif que les nombreux convives ont eu le plaisir de découvrir l'imposante formation Lemma Becharia. Bien que créée l'année dernière, lors de la tenue du Festival international de la musique diwane à Alger, cette formation a su se frayer un chemin de choix. Son cheval de bataille est la sauvegarde du patrimoine musical de la région de la Saoura. En témoigne ce remarquable concert qui a laissé l'assistance émerveillée par l'énergie et le talent que dégage cette formation à chacune de ses prestations. L'ensemble féminin Lemma Bacharia fait une entrée sensationnelle. Au lieu de regagner directement la scène, elles décident d'entamer un rituel bien synchronisé. Dans une procession religieuse, les musiciennes, instruments en main et sapées de tenues traditionnelles étincelantes «lizar»- se dirigent vers leurs convives pour les saluer, sous un tonnerre d'applaudissements et de youyous. Après cette belle entame, donnant un avant-goût de cette soirée, les artistes, âgées entre 20 et 80 ans, regagnent leurs places. Le répertoire, suavement choisi, débute par un morceau de la ferda au féminin, intitulé Ya Djillali Dawi Hali. La musicienne et unique femme joueuse de gumbri dans tout le Maghreb, Hasna El Becharia, se concentre sur son instrument. Ce monument de la musique gnaouie laisse échapper des notes musicales douces. Sa fille spirituelle, Souad Asla,— autre artiste confirmée et initiatrice de ce projet—, est assise à sa droite. Des regards complices et pleins de tendresse sont échangés entre ces deux dames. D'une voix timide, Hasna Becharia reviendra sur ses débuts. Cette femme au caractère trempée indique qu'elle jouait sur plusieurs instruments de musique toute petite, à l'insu de son père, un maître reconnu du diwane. Elle a formé en 1972, avec des amies, un groupe où elle animait les fêtes de mariage. Elle précise qu'elle a été interdite de jouer du gumbri dans la confrérie Gnawa. Il lui a fallu attendre une trentaine d'années pour toucher son instrument fétiche, et ce, à la suite d'un rêve, où son défunt père l'autorisait à jouer du gumbri. La soirée se poursuit par des chants traditionnels et des «Zeffanates» et «Djebbaryates», reprises le plus souvent à l'occasion des fêtes familiales ou encore religieuses. Certaines musiciennes se débarrassent de leurs instruments musicaux traditionnels pour s'adonner à une danse des plus envoûtantes. Certains présents ne se gêneront nullement pour s'adonner, eux aussi, à des pas de danse endiablés. Au bout de deux heures de spectacle, la soirée s'achève par une nouvelle chanson dans le rythme du Sud algérien, intitulée Mzine Belama. L'ambiance chaleureuse est telle que Souad Asla décide de rajouter deux autres, Ya Allah Bab Mimoun et Djawel. Rencontré à la fin du concert, l'artiste Souad Asla a rappelé que ce spectacle était le fruit d'une résidence de création organisée l'année dernière à Taghit, dans l'objectif essentiel était de rassembler les chants et musiques traditionnels, transmis oralement, lesquels sont «menacés de disparition». «Les musiciennes, explique-t-elle, ont pris beaucoup d'assurance. Elles se sont rendu compte de l'importance de ce spectacle et du patrimoine. Par ce projet, il y a eu, également, une conscience qui a été prise dans toute la région de la Souara. J'espère qu'on se produira à Béchar bientôt». Il est à noter, par ailleurs, qu'après Alger, la formation Lemma Becharia se produira le mois prochain à la Saoura. Un album est également attendu prochainement.