Y a-t-il encore une place pour le dialogue en Irak alors que ce pays va tout droit vers un insondable précipice ? La réponse paraît bien difficile quand le recours aux armes est devenu systématique pour repousser une occupation étrangère et surtout depuis quelques années et, à la faveur de cette occupation, solder des comptes. Entre les communautés et en leur sein, ce qui complique davantage la situation. Depuis au moins deux années, le nombre de victimes des violences confessionnelles paraît supérieur à celui de l'occupation. Selon des sources non officielles mais qui se basent sur les données divulguées par différentes sources irakiennes, 90% des morts sont dûs aux combats entre Irakiens. Et rien n'y fait puisque l'Amérique vient d'admettre son échec à ramener la paix et surtout instaurer la démocratie en Irak. Comment donc sortir de ce cercle infernal ? Par le dialogue, ont répondu les chefs religieux chiites et sunnites, mais ces derniers ont-ils obtenu le consentement des différents groupes qui les composent ? Là est une autre question, mais elle relativise le « Document de La Mecque », appelant notamment à l'arrêt de l'effusion de sang en Irak, signé vendredi soir par des dignitaires religieux chiites et sunnites irakiens réunis dans cette ville sainte de l'Islam en Arabie-Saoudite. Cette signature est intervenue à l'issue d'une rencontre, organisée par l'Organisation de la conférence islamique (OCI), à laquelle ont participé vingt-neuf dignitaires chiites et sunnites irakiens. Le grand ayatollah Ali Sistani, figure emblématique des chiites, majoritaires en Irak, n'était ni présent ni représenté mais avait fait savoir qu'il « soutenait et bénissait » la rencontre, selon un responsable de son bureau à Najaf (Irak). Le dirigeant radical chiite, Moqtada Sadr, à la tête de l'Armée du Mahdi, soupçonnée de jouer un rôle de premier plan dans les violences intercommunutaires actuelles, n'a pas non plus participé à la rencontre. Le document en dix points, qui a été lu par le secrétaire général (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu, souligne notamment la nécessité de « sauvegarder les biens, le sang et l'honneur du musulman », « les lieux de culte des musulmans et des non-musulmans » et « l'unité nationale islamique ». Le texte appelle en outre à la « libération des innocents enlevés et des otages musulmans ou non musulmans » et à « permettre aux personnes déplacées de réintégrer leur lieu d'origine ». Il exhorte le gouvernement irakien à « libérer les détenus innocents et à juger les responsables présumés de crimes de manière équitable ». Le document appelle aussi à soutenir « tous les efforts et toutes les initiatives visant à réaliser l'unité nationale, la sécurité et la paix en Irak ». Il souligne enfin la nécessité pour les sunnites et les chiites d' « unifier leurs rangs en vue de l'indépendance de l'Irak et de son intégrité territoriale ». Le secrétaire général de l'OCI a cependant souligné que cette déclaration constituait un « engagement moral ». « L'OCI n'a pas de baguette magique, ni l'OCI ni aucune autre partie n'ont un pouvoir sur les consciences des gens », a déclaré M. Ihsanglu. Il a également affirmé que « le Premier ministre irakien, Nouri al Maliki, et des ministres irakiens (qu'il affirme avoir contactés à ce sujet) ont apporté leur soutien à ce document ». D'autres hauts dignitaires chiites et sunnites irakiens, qui n'ont pas participé à la rencontre, ont cependant fait savoir qu'ils apportaient leur soutien aux signataires du document, tout en soulignant que la violence en Irak est d'origine politique et non confessionnelle. « Ce qui se passe en Irak n'est pas une guerre civile, ce sont des crimes perpétrés par diverses parties connues, qui ont des objectifs et des visées hostiles au peuple irakien », écrit notamment cheikh Hareth Dari, le chef du Comité des oulémas musulmans, la principale association de religieux sunnites d'Irak. Malgré la mise en place de différents plans de sécurité américano-irakiens, la violence, souvent à caractère confessionnel, continue de faire rage en Irak à la faveur d'une prolifération des milices. Ces groupes, chiites ou sunnites, se livrent de plus en plus fréquemment à des exactions contre les membres de l'autre communauté. Les hommes politiques, relève-t-on, ont bien accepté de laisser quelque rôle aux personnalités les plus en vue. mais à chaque fois, la politique semble prédominer avec la rigidité de groupes politiques déterminés à appliquer dans leur pays, le principe élémentaire de la démocratie, c'est-à-dire la règle de la majorité, au demeurant bien connue en Irak. Il s'agit de la communauté chiite longtemps victime du pouvoir hégémonique exercé par la minorité sunnite. Mais tout semble indiquer que le pessimisme est le sentiment le mieux partagé, comme en témoignent les informations en provenance de Londres et de Washington.