Les forces de l'opération Bloc soudé, relevant de l'autorité du gouvernement de Fayez El Sarraj à Tripoli, ont cerné les terroristes de Daech dans un réduit de moins de six kilomètres carrés. Pour la première fois depuis son arrivée le 1er avril dernier à Tripoli, le chef du gouvernement de réconciliation, Fayez El Sarraj, a été contesté lors de manifestations populaires devant le siège provisoire du gouvernement à la base maritime Boussetta à Tripoli. Vendredi soir, plusieurs centaines de protestataires ont condamné la présence militaire française et réclamé le départ d'El Sarraj. Lors d'autres rassemblements, tenus le même jour sur des places publiques de Tripoli, les manifestants ont protesté contre les propos de Mahdi Barghathi, ministre de la Défense d'El Sarraj, qui a qualifié de «terroristes» les «colonnes de défense de Benghazi», lancées sur l'ordre du mufti Sadok Ghariani, l'autorité religieuse suprême de la Jamaâ Moukatila, l'un des plus importants groupes armés de Tripoli. Ces «colonnes de défense de Benghazi» ont subi, la semaine dernière, un cuisant revers devant les troupes de Haftar avant même d'arriver à Benghazi. Elles n'ont pas été soutenues, comme elles l'espéraient, à l'intérieur des villes de l'Est. En plus, la mort de trois militaires français, il y a cinq jours à Benghazi, montre que la France soutient Haftar, l'ennemi juré de la Jamaâ Moukatila et du mufti Ghariani. Donc, «rien ne justifie plus le soutien de la Moukatila au gouvernement d'El Sarraj, d'où la descente de leurs sympathisants dans la rue pour demander son départ», estime le politologue Ezzeddine Aguil. De tels rebondissements risquent de se répercuter sur l'alliance entre cette Jamaâ, dirigée par Abdelhakim Belhaj et les Frères musulmans de Misrata, colonne vertébrale de l'opération «Bloc soudé», pour la reconquête de la ville de Syrte actuellement entre les mains de Daech. Plusieurs rebondissements politico-militaires sont en train de compliquer davantage la situation en Libye. Tensions sur le terrain Trois axes de combat sont les plus en vue sur le terrain militaire en Libye. Il y a d'abord Syrte où les forces de l'opération «Bloc soudé», relevant de l'autorité du gouvernement d'El Sarraj à Tripoli, ont cerné les terroristes de Daech dans un réduit de moins de six kilomètres carrés. Le correspondant de l'agence Dune-voices dans la ville raconte que les forces de Daech occupent essentiellement le complexe Ouagadougou, l'hôpital Ibn Sina, l'université de Syrte et les quartiers I et II de la ville. «Cette zone est assimilée à un cercle d'un peu plus d'un kilomètre de rayon autour du complexe Ouagadougou», souligne-t-il, en précisant que «le nombre restant des miliciens de Daech ne dépasse pas les 400, agissant en mouvement». Par ailleurs, toujours en rapport avec la guerre de Syrte, les informations en provenance de l'état-major de l'opération «Bloc soudé» avancent le chiffre de 270 morts et 1500 blessés, enregistrés dans leurs rangs pendant les 45 jours de combat pour la reprise de Syrte. Le deuxième axe de combat se trouve en ce moment à Derna à l'extrême Est libyen, à 200 kilomètres des frontières égyptiennes. Là, les forces du général Kamel Jebali, relevant de l'armée dirigée par Khalifa Haftar, ont cerné les milices d'Al Qaîda dans les quartiers du sud de Derna, qui étaient occupés par les forces de Daech il y a trois mois, avant que ces dernières ne quittent la ville et se dirigent vers Syrte. Le général Jebali a rencontré, vendredi dernier, le président du Parlement, Salah Aguila, et ils ont convenu de chercher les moyens d'éviter au maximum l'effusion du sang libyen, en encourageant à la reddition des troupes encerclées, notamment s'il s'agit de miliciens originaires de la région. La même recommandation a été préconisée lors de la rencontre du commandant militaire de l'Est, Abderrazek Nadhouri, avec la députée de Derna, Intissar Chenib. Situation figée Quant au front de Benghazi, la situation est figée dans les cités de Sabri (centre-ville ; marché de poisson) et Ganfouda (20 kilomètres à l'ouest de la ville). Les forces de l'armée continuent à cerner les milices de Daech et leurs alliés. Le général Haftar veut les prendre à l'usure. Par contre, l'attention est accaparée par la découverte de 14 corps dans la nuit de jeudi à vendredi dans le dépôt d'ordures près des bureaux de la Caisse de sécurité sociale de la ville. Mahdi Barghathi, le ministre de la Défense du gouvernement El Sarraj, a demandé de lever le voile sur ce crime odieux, et ce, dans une conférence de presse tenue dans les locaux de la brigade 204 (chars) à Benghazi. Le commandant des forces spéciales, Ounaies Boukhemada, a lui-aussi demandé d'enquêter sur ce crime. L'homme d'affaires Basset Guetit, originaire de Derna et candidat malheureux à la présidence du gouvernement, a demandé au général Haftar d'élucider ce crime et d'œuvrer vers un armistice dans la ville de Derna, comme ce fut le cas pendant le Ramadhan. La tension est donc encore très vive en Libye. Le chef du gouvernement de réconciliation, Fayez El Sarraj, et l'envoyé spécial de l'ONU, Martin Kobler, ne savent plus où donner de la tête.