Lotfi Bouchouchi a eu les larmes aux yeux devant le public de la salle Maghreb à Oran. Le public a réservé un accueil particulier au film Le Puits, en compétition au Festival international du film arabe d'Oran. Debout, les spectateurs de la salle Maghreb ont applaudi le long métrage de Lotfi Bouchouchi, déjà primé par plusieurs festivals à l'étranger, notamment au Maroc, en Tunisie, en Egypte et à Oman. Des youyous accompagnaient la standing ovation. «J'ai constaté dans plusieurs projections que le public réagissait surtout à la fin du film. Mais, cette fois-ci, à Oran, la réaction du public était différente, particulière. Je ne m'attendais pas qu'elle atteigne une telle force. Je n'ai pas pu retenir mes larmes. Je me dis que j'ai déjà eu mon prix», a déclaré Lotfi Bouchouchi, la voix nouée par l'émotion, après la projection. Il a précisé que Le Puits est programmé pour la première fois dans un festival en Algérie. Lotfi Bouchouchi a confié que le film, malgré son succès auprès de la critique et dans les festivals, n'est pas encore distribué à l'international. «Je me déplace seul pour lui faire de la promotion, alors que ce n'est pas mon travail. Parfois, je ne sais pas comment faire. Il n'y a pas d'accompagnement du film. Une projection spéciale est prévue en France. Le film a été visionné au Festival de Bruxelle en Belgique», a-t-il déclaré, avant d'ajouter : «Les Français, les Européens en général, ne veulent pas voir dans le cinéma des choses qui leur renvoient leur image d'anciens colonisateurs. Le puits a été salué dans plusieurs pays du Sud, en Afrique, dans le Monde arabe, mais ne peut pas plaire aux Européens. Quand je dis cela, je ne règle aucun compte. Nous avons commis des erreurs. Aux Européens de reconnaître les leurs.» Lotfi Bouchouchi prépare un nouveau film qui ira dans le sens de cette réflexion. Le cinéaste souhaite prendre la distance qu'il faut par rapport aux événements et à l'Histoire. Le Puits raconte le drame d'un village du Sud algérien encerclé par des soldats français à l'époque de la Guerre de Libération nationale. Les habitants étaient interdits de sortie du village pour s'apprivisionner en eau. L'eau du puits était devenu impropre à la consommation. Soumis à la soif et à la peur, les villageois, des femmes et des enfants surtout, devaient trouver un moyen pour résister, tenter de déverouiller le siège et éviter la mort. «Les thématiques liées à l'Histoire ne doivent pas être traitées d'une manière didactique dans le cinéma. Il faut à tout prix éviter les discours directs. L'essentiel est dans l'émotion, dans la réaction du spectateur. On ne doit pas limiter l'imagination. Il reste toujours difficile de filmer les choses les plus simples», a-t-il noté. Lotfi Bouchouchi a confié qu'il avait pris le soin de varier les dialectes et les costumes dans le film Le Puits. «C'est une manière de dire que l'héroïsme est partagé par toute l'Algérie. Cette histoire pouvait se dérouler dans n'importe quel point du pays. La soif ne peut être ressentie fortement que dans un paysage desertique. D'où le choix du Sahara», a-t-il relevé. Le huis clos ouvert, le scénario, l'allure de la tragédie grecque, les silences, les décors naturels et les dialogues ont été salués par la critique. «A mon avis, beaucoup de choses peuvent être dites dans un même endroit. Cela peut ressembler au théâtre», a soutenu Lotfi Bouchouchi.