Lotfi Bouchouchi et Belkacem Hadjadj Le cinéma algérien a marqué sa présence à la 31e édition du festival d'Alexandrie par la projection de plus de huit films sur onze longs métrages, quatre courts métrages et deux documentaires, dont sept sont en compétition officielle. Si la catégorie du court métrage s'est distinguée par l'absence de ses réalisateurs, ce sont les longs métrages qui ont fait l'impact dans les salles de cinéma égyptiennes. Les réalisateurs algériens Lotfi Bouchouchi et Belkacem Hadjadj ont fait du forcing pour montrer leurs films au public local et cela en l'absence de toute communication sur la projection de ces derniers. Lotfi Bouchouchi, le réalisateur du film Le Puits, en compétition dans la catégorie des longs métrages arabes, s'est même débrouillé pour imprimer une douzaine d'affiches du film en arabe et en français pour attirer du monde à la projection. Les films sélectionnés dans le festival étaient projetés dans un multiplex, espèce de salle réservée généralement aux films commerciaux, ce qui a un peu dérouté le spectateur égyptien. A la projection du film de Lotfi Bouchouchi, prévu à 15h, plus d'une cinquantaine de spectateurs, pour la plupart attirés par les affiches collées tout au long du lobby de l'hôtel Hilton Plaza. Une femme égyptienne marchant difficilement s'est déplacée spécialement pour voir le film algérien, au grand bonheur du réalisateur dont c'était la première sortie cinématographique à l'étranger et surtout en Egypte. Pour Lotfi Bouchouchi, il était important pour lui de partager son film avec le public et malgré l'absence (pour des raisons techniques) de la fiche technique de son film dans le catalogue, il a tenu à rester et à montrer son premier film au public alexandrin. Il n'était pas déçu, puisque le film Le puits, qui raconte l'histoire du siège d'un village du sud de l'Algérie par des militaires français, et la survie des habitants, assoiffés après l'assèchement de l'unique puits du village où ont été jetés les corps de soldats français, a séduit. Le film a ébloui les spectateurs égyptiens par la trame particulière signée par le scénario de Yacine Mohamed Benelhadj (réalisateur notamment du film Rani Mayet) qui alterne huis clos et scènes en mouvement, soigneusement accompagné par une musique envoûtante. La scène finale du film, où les villageois sont exécutés pour avoir franchi la barrière de la sortie du village, a particulièrement ému le public présent. Dans la salle, il y avait le réalisateur syrien Bassel El Khatib et sa femme, mais aussi des critiques koweitiens et omanais qui ont beaucoup apprécié le film, au même titre que la réalisatrice égyptienne Imene Mohamed Ali, qui a chaleureusement salué l'oeuvre cinématographique du réalisateur algérien et s'est même dite jalouse de n'avoir pas fait de film d'une telle qualité. Lotfi Bouchouchi a été assistant-réalisateur de Merzak Allouache et Mohamed Chouikh. Producteur de films à succès comme Viva l'Aldjerie de Nadir Mokneche et Barakat de Djamila Sahraoui, il était pour la première fois de sa vie, confronté à la critique de la presse et des professionnels. Le résultat est positif puisque la majorité des spectateurs et des intervenants lors du débat avec le réalisateur avaient apprécié sa première oeuvre en tant que réalisateur, ce qui l'a fortement touché puisqu'il a déclaré: «Mon plus grand prix, c'est votre soutien et votre présence à la projection du film.» Il était important pour le cinéaste d'avoir un regard différent de celui des Algériens. Même constat pour le film Fadhma N'soumer de Belkacem Hadjadj qui a été projeté en présence du réalisateur avant-hier soir. Les critiques et les professionnels égyptiens présents en force à la projection étaient étonnés d'abord par la grande qualité technique et artistique du film algérien et la présentation d'une oeuvre historique d'une telle qualité. «Même si le film était sous-titré en arabe, il est important pour nous de voir des films de ce genre et connaître ce pan de l'histoire de l'Algérie dont cette période reste inconnue en Egypte» a indiqué une critique égyptienne. Dans cette variété de films algériens, seul le film de Rabah Ameur-Zaïmeche, Histoire de Judas, est tombé comme un cheveu sur la soupe. La majorité des critiques et des professionnels égyptiens et même au sein de la délégation algérienne, s'étonne de la sélection de ce film et de sa présentation en tant que film algérien, alors qu'il n'est pas produit par l'Algérie et le sujet est très loin de la culture et des préoccupations des Algériens. Le film qui a une valeur historique, raconte l'histoire de Jésus peu avant son arrestation et l'ultime mission confiée à Judas...le film qui n'a aucune valeur ajoutée historique ou culturelle, évoque une période du Christ d'une manière cinématographique totalement ratée. Comme à son habitude, Zaïmèche, se perd dans ses tourments artistiques et rate son nouveau film, fait sûrement sur commande de la production, après son film sur «les mandarins». Visiblement, le cinéaste venu de banlieue n'a toujours pas retrouvé sa qibla cinématographique depuis son succès avec Wech Wech. En tout cas, le film est rejeté par les Alexandrins (même les plus chrétiens) puisqu'ils sont sortis avant la fin du film, dénonçant un film religieux qui passe à côté de son sujet. L'administration du festival a révélé ensuite que la sélection de l'oeuvre a été motivée par la présence du film au festival de Berlin l'année dernière dans la section Forum.