Joli spectacle que celui du Franco-Algérien Omar Meftah, originaire de Grenoble. Il a déjà été primé lors de plusieurs festivals. A Avignon, où il jouait pour la première fois, il a enchanté le public avec «Sans rancune». Comment êtes-vous venu au théâtre ? J'ai beaucoup aimé Fellag. C'est mon père qui me l'a fait découvrir. Fellag, c'est un magicien des mots, je trouve, et c'est quelqu'un avec qui j'adorerais bosser. Il m'impressionne. Je suis grenoblois. Il y a une dizaine d'année, je suis parti pour Nantes, et, de fil en aiguille, de scène ouverte en festival, j'essaie d'affiner mon travail de comédien. Pourquoi le choix du «seul en scène», one-man-show comme on dit en anglais ? Faire le seul en scène c'est se retrouver le plus souvent possible en scène avec ce texte que j'ai écrit moi-même. Le seul en scène c'est tout à fait autre chose que le théâtre plus classique, où on est avec d'autres acteurs. Là, on se met en avant et c'est plus compliqué aussi, surtout lorsqu'on est d'origine algérienne. Réagissez-vous à l'actualité avec une part d'improvisation ou de rebondissements sur les événements qui surviennent autour de vous ? J'essaie de tracer l'actualité et surtout de détendre l'atmosphère. A chaque fois qu'il y a un attentat, on cible notre communauté musulmane et maghrébine et la communauté se pose des questions en quoi elle est responsable de tout ça. On essaie de dire dans les médias qu'il ne faut pas d'amalgame, mais on tombe dans le piège de la facilité de cracher sur le Maghrébin qu'on croise et qu'on connaît, comme s'il était porteur du problème géopolitique, alors qu'on sait d'où ça vient. On ne balancera pas (rire) mais on sait tous à peu près d'où ça vient. Vous employez le mot «maghrébiste», est-ce pour détendre une atmosphère crispée ? Je ne sais plus où j'ai entendu ce terme, mais je l'ai trouvé tellement brillant comme si on venait d'une autre planète. Aujourd'hui, un jeune comédien défend quelque chose dont il ne pourrait se passer après tout il est comédien, il n'est pas arabe ou algérien. Oui, c'est sûr, je m'appelle Meftah, j'aime trop ma culture et mon origine pour l'effacer. Comme tous les comédiens d'origine maghrébine, pourquoi y êtes-vous attaché ? Je pourrais faire un spectacle sur un tout autre sujet je resterais ce que je suis et on me le rapporterait quand même. On ferait des sous-entendus des malentendus. Lorsque j'ai commencé, on me disait il ne faut pas faire de sketchs sur le Maghrébin, mais je ne vais pas mentir, raconter que je suis profondément Grenoblois. Je suis de Grenoble, mais pas que ça. Je ne peux pas laisser tomber mes origines. Quand on est algérien et que le pays a subi tout ce qu'il a subi, est-on outré par les amalgames actuels ? Le problème est qu'au fil des discussions les gens ne connaissent pas vraiment cette histoire. On ne sait pas toujours ce qui a pu se passer dans l'histoire et ce qui a pu en découler et les conséquences aujourd'hui sur cette génération et la génération précédente. L'ignorance est trop forte. C'est le rôle du comédien de dire les choses qui dérangent ? Un comédien ne peut pas exister sans opposition. Sans cela c'est un produit de consommation trop simple à atteindre. Il existe en défendant quelque chose, au moins une idée. Mon travail au final serait de dire des choses graves avec un personnage léger. Un personnage un peu naïf, un peu bête mais en dénonçant des choses qui ont un impact sur le monde. Au début du spectacle, il y a des phrases dures à entendre et on n'a pas envie de rire. C'est une technique ? Je veux créer une gêne afin que les gens se disent qu'il y a un souci. Des choses qui me gênent moi-même dans la vie de tous les jours. Certaines phrases que je ne peux pas garder en travers de la gorge. Quand je rencontre des gens, dans les quinze premières minutes, on me demande d'où je viens. C'est pour pouvoir me mettre dans une case ! Cela je le ressens. De mes 31ans, j'espère pouvoir faire avancer les choses, même si cela est complexe. Votre spectacle s'est longtemps intitulé «Inch'Allah». Pourquoi avez-vous abandonné ce titre ? Ce spectacle s'est appelé Inch'Allah pendant trois ans. Et on n'a pas réussi à le vendre. Aujourd'hui il s'appelle «Sans rancune» et on le vend. Ce titre c'est pour dire que je n'ai pas de rancune. Que cela ne fait rien, que le message il va passer quand même. Il y a dans mon propos de la bienveillance, ce n'est pas méchant ce que je dis. Je vis avec ces gens toute ma vie, je suis complètement d'ici et du coup les gens le ressentent et ils adhèrent.