Le décès subit de cet enfant de La Casbah d'Alger a suscité une immense affliction auprès de ses proches et de ses nombreux amis qui l'ont connu et aimé pour sa rectitude et ses qualités humaines d'exemplémentarité empreintes de gentillesse et de générosité. Issu d'une vieille famille de souche algéroise, Si Rédah Benhadad a vu le jour au sein de cette cité antique le 9 juin 1926 dans la douéra familiale au 14 impasse Darfour à La Casbah dans l'harmonie des valeurs civilisationnelles de terroir et a densément vécu en témoin du siècle un pan d'histoire et de culture d'El Mahroussa qui ont constitué la trame structurante de sa personnalité. C'est cette citadelle de la résistance incarnée par La Casbah qui s'est profondément érigée en lui en repère existentiel auquel il est resté viscéralement attaché sa vie durant. Une symbiose qu'il a tenu à exprimer avec foi et obstination dans un contexte historique où il a immortalisé le souvenir de l'Algérie indépendante par la réalisation de la première fresque de peinture exécutée sur la façade de la placette de l'ex-rue Marengo, actuellement Arbadji Abderrahmane, à l'entrée de La Casbah. Ce lieu, devenu depuis lors historique car très visité à cette période avec son œuvre picturale admirée et largement commentée dans sa légende et son message, a servi aussi d'éclatant décor scénique de l'inoubliable soirée de délire populaire festif de l'éternel 3 juillet 1962, où Hadj M'hamed El Anka a, pour la première fois, entonné en ce lieu l'hymne de la renaissance de la nation algérienne Elhamdou Lillah. Une rétrospective historique et circonstancielle consacrée à l'événement par l'auteur de ces lignes a été publiée sur les colonnes d'El Watan du 5 juillet 2015, date évocatrice d'un souvenir d'éternité. De celle-ci nous reviendrons cependant la symbolique expressive de cette œuvre picturale d'art qui a été l'émanation et l'aspiration de la solidarité des peuples tunisien et marocain lors des cruelles épreuves de la guerre de libération. Ceci par le décryptage et l'interprétation de sa structure plasticienne illustrant ardemment une vision d'avenir de l'unité maghrébine, un vœu très cher des générations successives qui ont laborieusement tissé une communauté historiquement forgée par des liens indéfectibles d'affection et de fraternité dans la trajectoire de leur commune et naturelle destinée. C'est dans ce contexte que le regretté Si Rédah Benhadad a, sous l'effet d'une intense émotion, renoué avec cette phase d'euphorie vécue il y a 54 années, lors de la Journée nationale de La Casbah d'Alger les 23 et 24 février 2016 qui a été célébrée par l'Association des amis de la Rampe Louni Arezki, Casbah, à travers une importante visite et une conférence thématique centrée sur la toponymie et les lieux de mémoire du mouvement national et de la Révolution algérienne dans l'enceinte de la vieille et résistante cité d'El Djazaïr. Le palais Mustapha Pacha, qui a abrité cette émouvante et inédite rencontre, s'est ce jour-là reconverti en musée du Patrimoine mémoriel, où Si Rédah, dans sa superbe d'amabilité et de courtoisie était comblé d'être parmi une assistance venue nombreuse en «pèlerinage» de la pensée et du souvenir, aux côtés d'un des repères de l'histoire Sid-Ali Abdelhamid, le doyen moudjahid membre du bureau politique du PPA MTLD âgé de 95 ans. Devant un nombreux auditoire captivé et une ambiance exceptionnelle empreinte de joie et de chaleureuse convivialité de retrouvailles, Si Rédah Benhadad a pu difficilement retracer avec une voix entrecoupée d'émotion la genèse historique de la fresque de l'indépendance projetée en la circonstance sur écran et qui a suscité en lui un élan de réconfort à travers cette poignante exclamation : «Depuis plus d'un demi-siècle, je croyais cette phase de ma vie à La Casbah reléguée à l'univers hideux de l'oubli, mais voilà qu'aujourd'hui, je suis profondément heureux et ravi de la voir enfin ressurgir en dépit des vicissitudes du temps et celà en étant encore de ce monde !» Cette fresque d'histoire et d'essence populaire œuvre de Si Rédha Benhadad, dont le message très fort est perpétuellement d'actualité sera dans un avenir proche ressuscitée pour rejoindre la place qui est la sienne au Musée de la mémoire collective en legs à perpétuer en direction de la jeunesse et des générations montantes. Les adolescents que nous étions à l'époque, les habitants du quartier ainsi que nos défunts parents et voisins, qui de la Placette, lieu même de l'œuvre en gestation, qui de sa terrasse ou de son balcon la surplombant, ont été des journées durant les spectateurs privilégiés à avoir accompagner dans l'allégresse de l'émerveillement les lumineuses touches de pinceaux de l'artiste dans une création inédite et annonciatrice du jour béni et tant attendu de l'indépendance de l'Algérie. Un acte de devoir et de reconnaissance à l'endroit de l'auteur d'un chef-d'œuvre historique de symbole pérenne conçu à l'aurore de l'Algérie indépendante et souveraine qui sera prochainement et en temps opportun revisité à la faveur d'une démarche appropriée dans cette perspective. Si Rédah Benhadad, l'artisan prodige de cette œuvre majeure de par le substrat de son historicité événementielle marquante et dont se souviendront à jamais les Casbadjis de cette génération de la résistance et de l'indépendance, vient hélas de nous quitter le 16 juillet 2016 à l'âge de 90 ans avec une image rayonnante de «rahma», de sérénité d'âme et de réconfort, qui demeurera dans la pensée collective de tous ceux qui l'ont connu en nationaliste, moudjahid et homme de culture citadine de raffinement avec la passion et l'amour qu'il vouait à l'Algérie, à sa capitale, la proverbiale Alger la Blanche, et à sa Casbah natale. A sa digne épouse, Me Souhila Benhadad, à ses enfants, Amine et Kamel, à ses filles, Lilia, Hakima et Fazila, à son neveu Sid Ali, fils de Mahmoud Benhadad coiffeur et figure de notoriété connue à La Casbah, à sa famille et à ses proches, l'ensemble des membres de notre Association tiennent à leur réitérer l'expression profonde de leurs condoléances attristées et les assurent également de leur solidarité, soutien et sympathie. Qu'Allah Le Tout-Puissant puisse accueillir le cher défunt dans la Miséricorde de Son Eternel Paradis. «A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.» Lounis Aït Aoudia président de l'association Les Amis de la rampe Louni Arezki-Casbah