Par : Mezrag Lekbir. Master en management immobilier et politique urbaine La complexité de la problématique du foncier économique en Algérie n'a pas permis à l'Etat et aux collectivités territoriales de valoriser économiquement leur patrimoine tant public que privé, malgré l'importance des mesures qui ont été prises dans la gestion et l'exploitation de leur patrimoine public. L'amendement de la loi domaniale et la modernisation de la gestion de leur patrimoine public avaient pour objet d'instaurer deux séries de mesures. Les premières visent à assouplir les règles de gestion sans toucher à la propriété des biens, c'est-à-dire sans remettre en cause les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité, qui garantissent le bon usage du domaine public, par l'institution de droits réels sur le domaine public. Les deuxièmes prennent en charge des assouplissements destinés à simplifier les procédures domaniales concernant l'accession au foncier économique, pour relancer l'investissement privé national sans dilapider leur portefeuille foncier. Ces thèmes importants de la réforme du droit des propriétés publiques exigent une réorganisation importante de l'administration des Domaines, qui va lui permettre de s'acclimater avec les changements intervenus dans la nouvelle loi domaniale et de s'aligner sur les normes internationales, dans un souci de rentabiliser et mettre en valeur le foncier économique comme alternative à la rente pétrolière. La réforme en profondeur du droit domanial et la réorganisation des structures administratives vont permettre à l'Etat de gérer son patrimoine de manière plus efficace grâce à un outil moderne de gestion domaniale. Cette mutation du foncier économique est insuffisante, d'autant plus qu'il existe d'autres critères primordiaux qui sont au cœur de cette évolution. Et c'est seulement à travers ces critères qu'on peut déterminer de quelle manière est traitée la problématique du foncier économique. Primo, le critère organique qui se définit par la décentralisation administrative qui permet à la wilaya et à la commune une meilleure prise en charge de leur foncier économique. Cependant, dans la pratique, et conformément aux choix politiques qui, faut-il le rappeler, ne répondent plus aux besoins locaux de gestion démocratique, c'est l'Etat central qui gère ces structures décentralisées. Cette décentralisation virtuelle a entraîné de sérieux problèmes qui ont influé négativement sur la gestion et la rentabilité du patrimoine foncier des collectivités locales. Il faut préciser que, bien que la loi permet à la wilaya et à la commune d'avoir un domaine public, dans la réalité c'est toujours l'Etat qui gère leur patrimoine foncier. En conséquence, cette situation a non seulement surchargé l'Etat, mais elle a aussi laissé le patrimoine économique de ces collectivités locales inexploité. Secondo, le critère juridique dans ce contexte définit le cadre légal et accompagne l'évolution de la législation foncière par une révision continue des textes législatifs. C'est-à-dire ces amendements qui sont souvent parmi les choix privilégiés du législateur en matière foncière, en modifiant les modalités d'application des textes réglementaires ou en palliant les difficultés rencontrées par les praticiens. Mais ce qui est vraiment prioritaire dans la législation foncière, c'est que le législateur est amené à pointer les insuffisances du droit de propriété publique et les interrogations qui subsistent encore après l'adoption de chaque loi. Tertio, le critère fonctionnel, lié à cette approche, se caractérise par des mutations politiques et économiques qui incitent de plus en plus l'Etat à se dessaisir de certaines activités économiques au profit d'établissements publics dotés de l'autonomie financière dans le but d'assouplir la gestion et l'exploitation du foncier économique et de lui permettre à lui et à ses établissements publics d'évoluer conformément aux normes internationales, en respectant bien sûr les deux principes, celui de la libre concurrence et celui de l'égalité devant les charges publiques. Ce critère fonctionnel détermine d'une façon très claire la configuration économique de l'Etat ; c'est-à-dire la multiplicité des formes de services publics ou le degré de la décentralisation technique, qui consiste à déléguer le service public par la création de différents établissements publics autonomes, soumis soit au droit public, soit au droit privé, d'extension locale ou nationale. Dans la politique économique, la centralisation se fixe un but moins économique que politique. Elle dispose d'un côté positif, qui consiste à unifier et à harmoniser les modes de gestion, d'utilisation et d'exploitation du foncier économique. Néanmoins, elle est devenue un obstacle structurel dans la gestion décentralisée du foncier économique et dans la création des EPIC et EPA d'extension locale, qui pourront prendre part à la gestion et à l'exploitation du patrimoine foncier des collectivités locales. Dans le même contexte, la loi n'a permis qu'aux EPA de détenir un domaine public, tandis que les EPIC sont exclus de cette prérogative, et ne peuvent en aucun cas bénéficier de cet avantage. Et même les EPA et les EPIC d'extension nationale souffrent de cette situation, le meilleur exemple en est l'Aniref qui lutte contre cette politique économique. Quarto, le critère juridictionnel. Avec la mise en place du tribunal administratif et le conseil d'Etat dans le nouveau système de la dualité juridictionnelle, les affaires contentieuses concernant le foncier économique sont traitées soit par la Chambre foncière de la cour en ce qui concerne les litiges ou l'Etat où l'un de ses établissements publics sont parties, comme première instance judiciaire, soit au niveau du Conseil d'Etat concernant les administrations centrales. Du point de vue organisationnel, l'Etat est préparé pour ce volet, mais le volet le plus important, c'est la matière juridique qui nécessite une formation spécialisés des juges dans le domaine du foncier économique, en conséquence de la complexité de ce dernier. En effet, l'une des raisons pour lesquelles il est difficile d'avoir une vision claire sur les biens des personnes publiques de la consistance d'abord, de leur valeur vénale ensuite, même approximative, c'est que ces biens sont très hétéroclites, c'est-à-dire que la propriété publique n'est pas de nature hétérogène ni gérée par les mêmes procédures. En revanche, l'évolution du foncier économique est attachée directement au rôle du juge administratif par l'accumulation d'une parfaite jurisprudence qui va contribuer au développement de ce concept. Les apports faits par le Conseil d'Etat restent toujours au-dessous des intentions des différents acteurs économique. En conclusion de ce qui procède, c'est l'évolution des critères organique et fonctionnel d'utilité générale qui sont au cœur de l'extension et de l'évolution du concept du foncier économique qui devrait être modernisé de manière à permettre à l'Etat et aux collectivités territoriales d'adapter, d'harmoniser et de faciliter les principales opérations de gestion des biens publics immobiliers, avec les réalités économiques et les choix politiques, quelle que soit la nature de la personne publique propriétaire.