Il est regrettable de constater l'affligeant statut dont est dotée cette activité qu'est le dessin. Il n'y a qu'à voir l'horaire hebdomadaire et le coefficient qui lui sont attribués dans l'organisation des établissements scolaires dans certains pays. D'aucuns pensent à tort qu'il s'agit là d'une discipline mineure. Et pourtant dès le début du XXe siècle –, sous l'impulsion de pédagogues novateurs – les instructions officielles des pays européens prenaient la mesure de son rôle dans l'éducation des enfants. FSans lui donner de consistance dans le domaine de la pratique, elles délivraient des recommandations pertinentes (en théorie). Dans l'une d'elles en date de 1909 et émanant du ministère français de l'Instruction publique (équivalent du MEN), nous pouvons savourer cette phrase délicieuse : « Le dessin est moins étudié pour lui-même que pour les fins générales de l'éducation. » Les décideurs reconnaissent de façon formelle la valeur de cette discipline. Restons dans le domaine théorique en attendant que les actes suivent au niveau des horaires et de la gestion pédagogique d'une discipline dont les bienfaits ont été longuement loués par Goethe. Et pas seulement lui. Par la suite, des psychologues, des médecins scolaires et des pédagogues ont clairement démontré les avantages d'une activité érigée depuis longtemps en discipline scolaire. Capter l'attention de l'enfant Tentons de définir cette activité en l'abordant sous ses deux versants. La définition objective du dessin consiste à évoquer pour les autres et par des traits dessinés, des objets tels qu'on les voit soi-même. Vue sous cet angle, la discipline nécessite la maîtrise par l'élève d'une technique. Celle-ci s'acquiert par des exercices répétés de l'œil et de la main, et ce, sous forme d'entraînements progressifs et planifiés qui respectent le niveau scolaire de l'enfant. La main qui tient le crayon deviendra souple et habile – donc suffisamment entraînée. Quant à l'œil, il sera habitué à bien observer et pas seulement voir superficiellement. Le coup d'œil est impératif pour pouvoir bien dessiner : il doit posséder acuité et sensibilité. La définition subjective est celle qui fixe à l'élève des façons personnelles de voir les objets sans que des limites soient imposées à son imagination. Pour mener l'élève sur le chemin de l'art pur – qu'il atteindra selon ses souhaits et ses capacités –, l'école primaire est appelée à cultiver ces deux formes de dessin. L'étude psychologique nous renseigne sur le fonctionnement du cerveau au moment où l'enfant dessine. La main qui exécute et l'œil qui bouge et fixe du regard sont actionnés par l'esprit qui les commande. Ces opérations sont autant d'attitudes mentales. L'enfant concentre et mobilise son attention devant le paysage, l'objet ou le personnage observé. Il s'évade en imagination au gré de sa sensibilité et des détails qui l'ont impressionné. La mémoire est sollicitée au cours des exercices de dessin : mémoire de couleurs et celle des formes. Il est, cependant utile de noter que l'enfant du primaire préfère et de loin le dessin imaginatif au dessin de mémoire privilégié par le maître. Il y laisse libre cours à son imagination et à sa sensibilité. Il y fait œuvre de création en exprimant au mieux sa personnalité. De nos jours, les bienfaits du dessin ont acquis leurs lettres de noblesse. En témoigne son usage en tant qu'auxiliaire des autres disciplines. Le maître aime demander à ses élèves l'illustration dessinée ou par croquis d'une leçon d'histoire, de géographie ou de sciences. En rédaction, une fois le thème donné, il est judicieux de laisser les élèves d'abord l'illustrer par un dessin avant de rédiger le texte. Dans ce cas précis, le dessin pourra lui servir de prétexte où puiser des idées. En dehors des apparences, le dessin par lui-même a une haute valeur éducative. N'a-t-on pas vu le secours qu'il procure aux autres enseignements dont il est devenu fidèle associé qui facilite la compréhension ? Ne rejoint-il pas les objectifs de l'éducation morale en initiant l'enfant au beau, à l'esthétique et à la finesse ? Le dessin exerce aussi le jugement et le goût. Or le goût est l'affirmation d'un choix et c'est en choisissant bien que le jugement s'exerce. Le goût du beau n'est-il pas le prélude à l'exercice du bien ? C'est dire toute l'importance de cette discipline mineure (dixit les pseudo éducateurs) qu'est le dessin !