«Oran est une grande cité bien fournie d'édifices et de toutes choses qui sont séantes à une bonne cité, comme des collèges, hôpitaux, bains publics et hôtelleries, la ville étant ceinte par ailleurs de belles et hautes murailles». Léon l'Africain Dimanche 7 août 2016. Circuler en voiture à Oran est un exercice très difficile. Quand la ville commence à s'animer, les embouteillages deviennent un véritable cauchemar pour les automobilistes. Pour les nerveux et les impatients, il faut s'abstenir de conduire au centre-ville. Depuis l'arrivée du tramway, qui traverse les artères très fréquentées de la ville, les choses se sont encore compliquées. Parfois, on assiste à des situations inextricables dans les carrefours, mais aussi sur les boulevards de l'Emir Abdelkader, Larbi Ben Mhidi, Khemisti, Soummam et l'ALN, plus connu par le Front de mer, et surtout sur le boulevard Maâta Mohamed Habib passant près de la ligne du tramway reliant le nord au sud de la ville. Certains conducteurs ne se gênent pas de stationner sur les trottoirs, alors que d'autres n'hésitent pas à rouler carrément sur les rails du tramway, ou osent contourner certains passages pour retrouver leur destination. Pour les étrangers à la ville, la situation est encore plus complexe. Il s'agit de retrouver son parcours dans un grand labyrinthe de rues et un cafouillis de boulevards, comme dans un maillage. Il faut savoir faire son chemin en évitant ces «satanés» sens interdits qui vous surprennent presque à chaque intersection. Nous avons décidé d'abandonner la voiture dans un de ces innombrables parkings coincés dans une impasse entre deux immeubles, gérés par des gardiens portant des gilets fluorescents. C'est la mode à Oran. Il n'est pas étrange même de trouver une vieille femme en gilet couleur pistache autoproclamée gardienne de parking. Une façon de gagner son pain. Par contre, circuler à pied à Oran est un véritable plaisir. C'est la meilleure manière de découvrir les multiples facettes d'une ville adorable, dont les gens demeurent toujours accueillants et bienveillants. La Place d'Armes, cœur battant de la ville Point de départ des balades au cœur de la ville d'Oran, la place d'Armes, ancien Bab Essouk, actuelle place du 1er Novembre, est un repère inévitable pour tout visiteur. C'est à partir de ce lieu où s'organise le centre-ville que le tramway part dans deux destinations pour joindre les deux bouts de la ville. Toutes les artères de la ville descendent vers ce lieu privilégié pour les amateurs de photos souvenirs. Nous nous attardons devant le fameux monument commémorant la bataille de Sidi Brahim, perdue par les Français contre l'armée de l'Emir Abdelkader en 1845 près de Ghazaouet. Un obélisque porte la statue de la victoire ailée. Ironie du sort, le monument recevra plus tard en bas le buste de l'Emir. L'Opéra, inauguré en 1908, devenu le théâtre régional Abdelkader Alloula, assassiné en 1994, trône juste à côté. Le célèbre Hôtel de Ville aux deux lions, réalisé en 1886 est toujours fermé. Pour la deuxième année consécutive, nous ne pouvons admirer la belle architecture de cette bâtisse, toujours en chantier. A partir de la place d'Armes, on peut explorer la ville. On empruntant le boulevard Maâta Mohamed Habib, on passe à gauche par le Derb, ancien quartier israélite. L'une de ses particularités demeure cette ancienne synagogue (appelée synogha par les Oranais), devenue la mosquée Abdallah Bensalem. Sur la même voie, on peut se faufiler à travers les ruelles de Mdina J'dida. Sur l'autre ligne du tramway, à la rue Emir Abdelkader, on emprunte une pente qui mène au plateau Sidi El Bachir. A son extrémité, juste à la rue …….., on ne manquera pas de faire une halte chez ammi Moussa Hamchaoui, l'un des bouquinistes les plus connus de la ville, installé depuis des années avec sa vieille Niva. Les bouquinistes, on en trouve un peu partout, surtout à la rue Hammou Boutlélis, juste à quelques encablures où l'on peut aussi admirer l'imposante cathédrale du Sacré-Cœur, œuvre de l'architecte Albert Ballu, édifiée en 1913, transformée en bibliothèque. Partout où on se balade, on perçoit le génie des architectes français, Cayla père et fils, qui ont façonné la ville durant l'époque coloniale. La Dolce Vita sur le Front de mer Avant le coucher du soleil, le boulevard du Front de mer (boulevard de l'ALN) grouille de monde. Balayé par la brise marine, il est la destination fétiche des Oranais et des vacanciers. Ses terrasses où l'on consomme les glaces et les crèmes sans modération ne désemplissent guère. Achevé en 1954, durant le mandat d'Henri Fouques Duparc, 38e et dernier maire d'Oran avant l'indépendance, le Front de mer illustre parfaitement la dolce vita à l'oranaise. La nuit, ce boulevard séduit par ses lumières et son dynamisme. Il rassemble toutes les couches sociales en quête de moments de plaisir. En face, le port avec son animation nocturne et ses milliers de conteneurs déchargés des bateaux aux lumières réfléchies sur la surface de l'eau. Chaque nuit, on (re)découvre encore plus le Front de mer avec ses palmiers, ses peupliers, ses tapages, ses fortes doses de décibels sorties à profusion des véhicules de jeunes fêtards. Mais il y a aussi des détails qui n'échappent pas aux yeux avisés. Ces balustrades en fonte, témoins d'une certaine époque, qui n'ont pas échappé aux graffitis en peinture. Mais aussi ces fresques en mosaïque de faïence d'une grande beauté esthétique. Des œuvres d'artistes inconnus, ignorées par les passants. Ce qui fait le charme de ce boulevard, ce sont aussi ces vendeurs de thé et de cacahuètes grillés sur la braise, des marchands de jouets, mais surtout ces agents de nettoyage qui veillent tard pour garder les lieux propres. A la fin du Front de mer, juste en face du siège de Sonelgaz, des soirées sont animées chaque jour au théâtre de verdure Hasni Chakroun, construit sur le fond du ravin d'Oued Rouina comblé pour aménager cette partie de la ville. Virée à Sidi El Houari Lundi 8 août 2016. A partir de la place du 1er Novembre, nous prenons la rue Mehali Mokhtar, qui rejoint celle de Meftah Kouider, pour se retrouver devant la porte de Bordj El Ahmar, devenue Rosalcazar, construite par Abu El Hassan El Merini au 15e siècle. Le site est toujours squatté par des familles qui attendent leur relogement. C'est à l'intérieur de ces fortifications que le bey Mohamed Ben Uthman, bey de Mascara, devenu le bey Mohamed El Kebir construisit son Palais en 1792, après avoir chassé les Espagnols de la ville, mettant fin à plus de deux siècles de présence espagnole (1509-1708 et 1732-1792). Le palais accessible par une porte en voûte s'ouvre sur un beau jardin, menant tout droit vers le Diwan, dont l'entrée est ornée d'une vingtaine de colonnes en pierre. A l'intérieur, on se retrouve dans une large pièce, avec dix colonnes torsadées en marbre. Toutes les transformations opérées par les Français sont apparentes sur les fenêtres, le sol couvert de parquet, le plafond, avec un poêle installé juste au centre. Sur le mur en haut, on peut lire deux louanges à Napoléon III qui visita Oran en 1865. A droite du Diwan, on peut visiter l'aile familiale avec des pièces entourant une cour ornée d'une fontaine, où les Français ont rajouté un étage supplémentaire. Nous traversons un second jardin au fond du palais pour accéder à la chambre de la favorite. Une simple pièce avec des balcons offrant une vue magnifique sur la vieille ville. En quittant le palais, on ne peut que déplorer la présence de la carcasse de l'hôtel Chateauneuf, qui défigure les lieux depuis 32 ans. Nous rejoignons la rue Philippe, où se trouve la mosquée du Pacha, œuvre du bey Mohamed El Kebir. Elle est toujours fermée pour rénovation. Juste à droite, une rue mène à la promenade Létang, devenue la promenade Ibn Badis. Réalisé en 1847, ce jardin à étages offre une superbe vue sur le port et la vieille ville. En descendant encore, on arrive à la place Boudali Hasni, ex-place Kleber, ancien centre-ville colonial. On y trouve l'ancienne préfecture réalisée en 1889. Elle est en réhabilitation pour devenir un musée de la marine. Par la Porte de Canastel, la dernière en vie à Oran, on accède à la vieille ville d'Oran, en empruntant la rue Freha Benyoussef (ex-rue de Madrid). Une bonne partie des maisons de style français est en nette dégradation. Juste en haut, l'église Saint-Louis domine les lieux. Construite par les Espagnols en 1697, elle sera transformée en synagogue après la libération de la ville en 1708, puis redeviendra encore une fois comme église après la reconquête d'Oran par les Espagnols et 1732, avant d'être détruite par le terrible séisme de 1790. Elle sera reconstruite par les Français en 1838. Aujourd'hui elle sert de maison de jeunes. Non loin, à la place de la Perle, on découvre la mosquée Mohamed El Kebir, avec son magnifique minaret de style andalou maghrébin. En revenant un peu plus bas, on traverse la rue Seddar El Houari, où on s'arrête devant le mausolée de Sidi El Houari, le saint patron de la ville, décédé en 1439 à Oran. Issu de la grande tribu berbère des Houara, Mohamed ben Omar Al Houari est né en 1350 près d'Aïn Tadles (wilaya de Mostaganem). Après avoir appris le Coran, il part étudier à Béjaïa vers 1365 auprès de Abderrahmane El Oughlisi. Agé de 25 ans, il enseigna à Fès la jurisprudence et la langue arabe. Arès le pèlerinage à La Mecque et une visite à Jérusalem, il s'installe à son retour à Oran, où il ouvre une medersa qui fera sa réputation. Son cénotaphe, très vénéré, subsiste toujours dans le quartier qui porte son nom. Dans cette pièce carrée, on trouve enterré juste à gauche le Cadi d'Oran d'origine constantinoise, Hassan Abderrahmane Boulahbel, décédé en 1943. La même rue mène tout droit vers le Castillo Viejo, ou la Casbah d'Oran, qui abritait le palais du gouverneur et la prison, on s'arrête devant une porte fermée. On ne pourra voir la fameuse Porte d'Espagne. C'est l'heure du déjeuner. On revient à la place Kleber pour emprunter la rue des Frères Dahli, menant vers le quartier de la Marine. Ici, on peut s'attabler en famille et prendre un repas dans un des restaurants qui proposent de délicieux plats de poissons frits ou grillés.