Passée presque en catimini lors du sommet des Etats de la Ligue arabe tenu l'année dernière à Alger, la loi 05-07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures vient d'être amendée par ordonnance. Si les locataires des deux chambres du Parlement n'ont pas eu beaucoup de peine à avaliser, et en si peu de temps, deux lois antinomiques et qui engagent de surcroît l'avenir des Algériens et des générations futures, le gouvernement a été pour sa part très avare en explications pour une telle volte-face. Des députés de la coalition sont allés jusqu'à décréter comme hérésie toute contestation ou opposition aux édits présidentiels. Et devant l'absence de débats contradictoires sur des questions aussi sensibles, la rumeur et les spéculations supplantent l'unanimisme de façade et alimentent les discussions. Les quelques voix discordantes, à l'image des élus du Parti des travailleurs (PT), acculés l'année dernière pour leurs prêches jugés « démodés » et « faussement patriotards » par leurs pairs de la coalition, se félicitent aujourd'hui des amendements apportés à la loi de Chakib Khelil estimant qu'ils « rétablissent la nationalité des hydrocarbures et préservent le pays du pillage étranger ». Cependant, le parti de Louisa Hanoune, l'un des rares partis à s'exprimer clairement sur la question, note que des insuffisances sont relevées dans cette nouvelle loi et suggère, entre autres, de préserver Sonatrach de l'ouverture du capital et la suppression des agences de régulation. Les amendements apportés à la loi du 28 avril 2005 Dans son exposé des motifs donnés par le ministère de l'Energie et des Mines, il est stipulé que les nouvelles mesures proposées par cet amendement permettent « d'élargir et de renforcer le contrôle, par l'Etat, des ressources en hydrocarbures et de leur exploitation rationnelle tenant compte des aspects de conservation et de préservation de ces ressources au profit des générations futures ». Un objectif que les amendements visent à travers « une participation systématique et plus importante, dans les activités de recherche et d'exploitation des hydrocarbures et dans l'activité de transport par canalisation des hydrocarbures ainsi que dans l'activité de raffinage, de l'entreprise nationale Sonatrach Spa, seul opérateur national économique majeur qualifié en la matière d'une part, à travers les dispositions de la présente loi et celles des textes de ladite loi qui imposent des contrôles rigoureux à tous les niveaux ». Des 19 amendements apportés à la loi du 28 avril 2005, Sonatrach se voit exclue des mesures d'arbitrage international en cas de litige entre l'agence publique ALNAFT et l'un des contractants étrangers. Une clause de participation obligatoire de Sonatrach à tous les contrats d'exploitation est introduite par l'article 32, alors que l'article 77 stipule que les activités de raffinage peuvent être exercées par Sonatrach seule ou en association avec toute personne, mais le taux de participation minimum de l'entreprise nationale est fixée à 51%. Un amendement prévoir l'instauration d'une taxe, sur les profits exceptionnels, applicables aux contrats d'association conclus avant la date de publication de la loi lorsque le prix du pétrole est supérieur à 30 US $ par baril. En outre, d'autres amendements sont apportés tels celui de l'article 12 de l'ancienne loi qui a été amendé afin de préciser que les attributions du comité directeur de chaque agence d'hydrocarbures s'exercent dans le cadre de la politique énergétique nationale. Le conseil consultatif institué auprès de chaque agence d'hydrocarbures par l'article 12 de la loi 05-07 est remplacé par le conseil de surveillance dont la mission principale est le suivi de l'exercice des missions de l'agence, dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique nationale en matière d'hydrocarbures. Non-dits et exposé des motifs d'un revirement Le président de la République ne s'est à aucun moment expliqué sur les raisons de la promulgation de la première loi et encore moins sur les amendements apportés récemment. Le département de Chakib Khelil s'en est chargé mais sans trop de conviction. Du moins à en juger par l'exposé des motifs avancés lors de la présentation de l'ordonnance devant la commission des affaires économiques de l'APN. Il a été seulement précisé ce qui suit : « De la conjoncture internationale relative à l'industrie pétrolière et son évolution future en général et à la situation du marché pétrolier en particulier, il a été jugé nécessaire de revoir le dispositif mis en place par la loi 05-07 relative aux hydrocarbures. » Farouche partisan de la loi précédente, le ministre de l'Energie et des Mines s'est vu déjugé par les amendements même s'il n'a cessé de les minimiser, en affirmant que la précédente loi n'a pas été fondamentalement modifiée. Si pour M. Khelil « personne ne pouvait prévoir que les prix du pétrole resteraient aussi élevés », des analystes ont réfuté de telles affirmations, à l'image de Hocine Malti, ancien vice-président de Sonatrach, pour qui « en réalité, c'est depuis 2003 que les spécialistes prédisent que le cours du baril de pétrole va grimper nettement au-dessus de ces valeurs et pourrait même atteindre le niveau de 100 dollars, dans un avenir pas très lointain. L'OPEP, dont l'Algérie est membre, mais aussi l'Agence internationale de l'énergie (AIE), sont convaincues que l'on arrivera très vite à ce palier si les grosses compagnies pétrolières n'investissent pas massivement dans l'exploration-production, d'abord et avant tout dans des zones qu'elles contrôlent déjà ». Pour cet expert, « ce n'est pas une soudaine augmentation des prix qui est à l'origine du changement d'attitude du gouvernement algérien ». Les rasions sont-elles alors à chercher ailleurs ? Le ministre de l'Energie et des Mines avait subi, pour rappel, les foudres des députés du parti de Louisa Hanoune lors des débats expéditifs ayant accompagné le vote de la précédente loi, non sans l'accuser ouvertement de bradage de