Une vingtaine de ministres ont été auditionnés tout au long de ces dernières semaines par le président de la République. Si les comptes-rendus des auditions rendus publics à travers l'agence APS se sont étalés sur les bilans chiffrés de l'ensemble des secteurs économiques chargés d'une multitude de projets en cours de réalisation ou ceux déjà réalisés depuis 2000, peu de commentaires ont été donnés cependant sur les insuffisances constatées ici et là en matière de qualité, de respect des délais ou de dépenses budgétaires, souvent jugées exorbitantes par le Président lui-même lors de ses visites d'inspection. Sur l'aspect économique du moins, le satisfecit qui ressort des différents bilans présentés au chef de l'Etat cache mal, en fait, les déficiences aujourd'hui confirmées non seulement par des experts ayant occupé de hautes fonctions mais aussi par le président de la République qui n'a pas hésité auparavant à adresser publiquement ses reproches à beaucoup parmi les membres du gouvernement. Quel crédit doit-on accorder donc à ce « grand oral annuel » dépourvu d'analyses objectives de l'état réel de l'économie algérienne ? Selon certains observateurs, en recourant à cette méthode de « suivi direct » des différents projets de développement sans passer par le canal officiel classique représenté par les députés du peuple, le président de la République entend inaugurer un nouveau moyen de contrôle qui peut certes apporter plus de rigueur dans la gestion quotidienne des affaires publiques, mais risque cependant d'ôter au Parlement une de ses principales missions qu'il est sensé assurer en vertu de l'article 84 de la Constitution, à savoir le contrôle des actions du gouvernement. Serait-on alors devant un premier cas de transfert des prérogatives de l'APN en matière de contrôle du gouvernement vers la Présidence de la République comme le prévoit la révision de la Constitution ? Quoi qu'il en soit, ces auditions montrent que la plus haute instance de la République tente d'instaurer plus rigueur dans le suivi des projets aux enjeux stratégiques pour le développement économique du pays. D'autant que des enveloppes budgétaires phénoménales sont engagées pour leur réalisation, à l'image du mégaprojet de l'autoroute Est-Ouest dont le coût est estimé à 11 milliards de dollars, mais autour duquel des soupçons ont déjà circulé quant à des magouilles qui auraient entaché l'estimation réelle du coût de réalisation. A ce propos, le compte-rendu de l'audition consacrée aux travaux publics ne siffle aucun mot sur les sommes d'argent consommées par ce secteur. La seule indication donnée à ce sujet est que « ce secteur a bénéficié d'un programme consistant au titre du Programme complémentaire de soutien à la croissance (PCSC) ». Concernant l'autoroute Est-Ouest, il est indiqué que « le plus grand projet de l'année 2006 a été le lancement de la réalisation de l'ensemble des tronçons d'autoroutes restants sur 927 km, dont l'ordre de service de démarrage des travaux a été donné le 18 septembre 2006. Ce mégaprojet permettra de disposer d'une infrastructure moderne, stratégique et vitale offrant des capacités nettement supérieures à celles offertes par le réseau routier existant, avec un gain de temps de parcours important (4h sur le trajet Alger-Oran et 4h30 sur le trajet Alger-Constantine). Autre secteur à être passé en revue par le président de la République, les ressources en eau dont le département est aussi l'un des plus doté en termes de budget, puisque celui-ci a bénéficié d'une enveloppe financière de pas moins de 7 milliards de dollars, toujours dans le cadre du plan de soutien à la croissance économique. Selon les termes du communiqué de la Présidence, l'ensemble du programme de construction de barrages est en cours de réalisation et 12 nouveaux barrages (Koudiat Acerdoune, Bougous, Oued Athmania, Tichi Haf, Kerrada, Prise Chellif, Boussiaba, Ourkis, Kessir, Safsaf, Kaf Eddir et Douéra) seront réceptionnés vers la fin de 2008. S'agissant du grand projet d'alimentation en eau potable de Tamanrasset à partir de la nappe d'In Salah et dont le coût avoisinerait la bagatelle d'1 milliard de dollars, les travaux concernant cette construction gigantesque débuteront en décembre 2006. Taux de croissance annuel de 8% Par ailleurs, lors de l'audition consacrée au secteur chargé de la participation et de la promotion des investissements, il a été estimé que « l'économie doit se donner un taux de croissance annuel moyen cible de 8%. Cela appelle une mobilisation de 6 milliards de dollars par an. Après évaluation de la capacité de l'économie de générer de l'investissement et donc de mobiliser les ressources disponibles et potentielles, il a été constaté que la nation dispose de vastes réserves d'épargne oisives et peut mobiliser des ressources de l'extérieur à un niveau supérieur à celui observé jusqu'à présent ». Un autre point a été soulevé dans ce cadre concernant le foncier industriel. L'analyse de la situation du foncier, affirme le compte-rendu de l'audition, « a confirmé la grande confusion qui y règne, que ce soit sur le plan du statut juridique, de la diversité et des multiples intervenants, de l'opacité et de la spéculation qui entachent souvent les transactions réalisées ». Il a été constaté à ce propos que « si la demande du foncier économique est assez mal connue, les travaux de recensement ont permis l'établissement d'une banque de données précises qui montrent que l'offre est relativement abondante. Les terres réparties entre les différentes zones (industrielles et d'activités) totalisent un potentiel disponible de 7757 ha et le foncier potentiellement mobilisable à partir des actifs (en résiduels ou excédents) des entreprises publiques (dissoutes ou en activité) est évalué à 15.516 ha ». Concernant l'investissement, ce dernier a connu, selon le bilan présenté au président de République, « un accroissement durable, atteignant en 2005 2255 projets d'investissements représentant un montant de 511 milliards de dinars et prévoyant la création de 78.951 emplois ». Dans ce total, ajoute-t-on, « l'apport des IDE a représenté 84 projets dont 35 en partenariat. De janvier à août 2006, les projets d'investissements déclarés ont atteint 1530 projets pour un montant de 292 milliards de dinars et 54.400 emplois projetés. L'IDE a, durant la même période, représenté 50 % des montants investis pour un nombre d'investissements prévus de 51 projets ». Par ailleurs, les principales actions engagées dans le secteur des PME/PMI concernent « le lancement de la réalisation de 14 centres de facilitations, en tant que structures de soutien et d'orientation des potentiels investisseurs et de facilitateurs pour les formalités liées à l'acte d'investir » et « la réalisation d'une dizaine de pépinières d'entreprises en tant que structures d'accueil de nouveaux opérateurs pour le lancement de leurs entreprises », précise-t-on. La création du premier fonds de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises « a permis en une année et demie à 130 entreprises de réaliser leurs investissements ». Enfin, le bilan du secteur de l'industrie et du commerce fait ressortir, dans le domaine de l'amélioration de l'environnement immédiat des entreprises, que la réhabilitation des zones industrielles et zones d'activités, depuis 1999 et jusqu'au parachèvement du Programme complémentaire de soutien à la croissance en 2009, nécessite une enveloppe de 25 milliards de dinars. La structure des échanges commerciaux en 2005, telle que présentée dans le bilan du secteur, montre que « les importations demeurent dominées par les biens d'équipements industriels (8,6 milliards de dollars US) et les matières premières et produits semi-finis (5 milliards de dollars US), en raison des besoins induits par le Plan de relance économique ». En revanche, « les exportations ont enregistré un montant de 46 milliards de dollars US en 2005, soit une progression de 43,4% comparativement à l'exercice précédent ». L'aisance financière actuelle demeurant cependant tributaire de la conjoncture prévalant sur le marché pétrolier, force est de souligner en définitive que le devenir de l'économie nationale dépendra de la capacité à transformer les ressources disponibles en développement réel et durable.