Les étalages des magasins de vaisselle et verrerie à Annaba sont bien achalandés. Mais pas autant que les abords de trottoirs et la voie publique du centre-ville, des cités et quartiers. Les marques locales comme les céramiques de Mila et de Guelma n'apparaissent pas. Si elles existent, elles sont englouties par celles en provenance de différents pays du monde. La céramique importée de divers pays d'Asie (Malaisie, Thaïlande, Chine) et surtout des Emirats arabes unis, fait fureur. Le moindre petit espace d'un trottoir dans une commerçante du centre-ville ou à proximité des marchés des fruits et légumes vaut son pesant d'or. Utilisés par les animateurs de la contrebande aux frontières et les barons des containers, camelots et petits vendeurs à la sauvette (de 12 ans jusqu'à 23 ans) se disputent, parfois à couteaux tirés, la part du marché. Le bas prix l'emporte sur la mauvaise qualité des produits proposés à la cession. Y compris en ce qui concerne les ustensiles dont la provenance reste du domaine du secret. En l'absence de toute réaction des structures compétentes de l'Etat, la direction du commerce n'étant pas habilitée à le faire s'agissant de marché informel, le squattage de la voie publique et des trottoirs s'est transformé en droit. L'on parle de plus en plus de la mise en place d'un réseau de contrebandiers au maillage très serré. Il impliquerait des fonctionnaires de différentes institutions en charge de notre économie. Pourtant, des instructions ont été données et des brigades spécialisées mises en place pour le contrôle des dépôts de marchandises afin d'éviter tout stockage clandestin. Les transactions se multiplient sur la voie publique au vu et su de tout le monde. Quotidiennement, des camions entiers stationnent en des points bien déterminés de la ville. En contrepartie de plusieurs millions de dinars sans aucun prélèvement fiscal, leurs conducteurs déchargent leur importante cargaison en différents points de la ville, notamment à proximité du siège du Croissant Rouge algérien. Sur ce marché de gros de la vaisselle et des ustensiles de cuisine se sont spécialisés des enfants, des adolescents, des jeunes. En contrepartie de 500 dinars/jour, ils se transforment en dépositaires. « Les dépôts où je travaille sont approvisionnés par un grossiste de Tébessa. Ils sont implantés dans la commune d'El Bouni. D'importantes quantités de vaisselle et ustensiles y sont déposées. Pour plus de 10 heures de travail, je perçois plus de 300 dinars, rarement 500. Si jamais je suis saisi par la police, je serai redevable de la somme correspondante vis-à-vis de mon employeur », avoue Ridha, la vingtaine d'âge. Tout aussi demandés par les ménagères en ce mois béni, les produits électroménagers et les ustensiles en acier inoxydable. Il s'agit d'un créneau animé principalement par les spécialistes de la production clandestine et du commerce informel de la région de Bordj Bou Arréridj. Des ateliers clandestins de fabrication y sont implantés sans respect des normes de sécurité. Prix indécent pour des produits à la qualité plus que douteuse, il y a de quoi inciter l'association de protection des consommateurs à intervenir. La seule censée être en activité dans la wilaya de Annaba n'existerait que sur le papier et pour les besoins de l'attribution de la subvention annuelle. Tout autant que le fameux numéro vert et les laboratoires d'essais des produits électroménagers. « J'ai failli perdre la vue à la suite de l'explosion d'une cafetière neuve que j'avais utilisée pour la première fois. La passoire défectueuse contenant la poudre ne laissait rien passer », avoue Mme Nadira, une mère de famille qui garde encore les séquelles de l'explosion. Une autre parlera de l'accident dont elle a été victime. « La manche de la poêle que je venais d'acquérir a fondu dans ma main », dira-t-elle. El Eulma et son fameux marché Dubaï et Sétif alimentent Annaba en vaisselle et verrerie. Des milliards s'échangent quotidiennement par ce que les jeunes vendeurs à la sauvette qualifient de mafia de la vaisselle. Une mafia à laquelle, jusqu'ici, ne s'est pas intéressée la brigade économique de la sûreté de wilaya Annaba.