Le onzième Sila ouvre ses portes cette année sous le thème générique : « Ecriture et émancipation ». Les membres du comité d'organisation ont choisi de baptiser l'événement sous cette double relation binaire, la première faisant allusion à la seule forme parfaite du temps, selon Jean-Marie Gustave, la seconde nous renvoie à cette tendance qui s'exprime par le refus de prêter le flanc à la domination. Il est évident que le livre reste cet outil irremplaçable, voire indétrônable en dépit des moyens de communication et de divertissement qui nous assaillent de toutes parts et qui nous « bouffent » le plus clair de notre temps. Une virée dans les artères de la capitale nous édifie sur un état des lieux où le livre a perdu sa place au profit d'un produit rémunérateur. Certaines librairies, pourtant bien cotées, comme le Livre d'or, ont été troquées pour un négoce dont les bénéfices sont engrangés à tour de bras. Fast-food, habillement zen et magasins de cosmétiques et électroménagers constituent le nec plus ultra le long de certaines rues, grouillantes de va-et-vient de chalands presque attitrés. On colle à l'air du temps. On fait des pieds et des mains pour faire flores dans des échéances qui n'attendent pas, me lance un ami libraire qui a fini par supprimer au fronton de son échoppe la raison sociale librairie pour ne laisser que papeterie. Alors que la plupart des bibliothèques municipales ont mis depuis longtemps la clé sous le paillasson, les bouquinisteries ne tardèrent pas à s'éclipser avec le temps. Oui, avec le temps va, tout s'en va. Hormis quelques bouquinistes qui reviennent pour occuper des pans de trottoir et les véritables libraires professionnels dont certains ahanent, à l'image de la librairie spécialisée dans les ouvrages scientifiques de la rue Ben M'hidi ou encore celle située à l'entrée du boulevard Colonel Amirouche, la profession de libraire ne semble plus faire recette. Qui est derrière cette désaffection de la lecture pour le grand public ? A qui imputer ce manque d'intérêt ? A quel niveau réside(nt) le ou les maillons faibles ? Seraient-ce nos pédagogues, les innovations technologiques ou les décideurs de la politique du livre ? « ll meurt dans le déshonneur celui qui n'aime pas les livres et n'a pas confiance en eux ».