En juillet dernier, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, indiquait que les réserves de change devraient se situer autour des 116 milliards de dollars en 2016 et que quelles que soient les circonstances, elles ne descendraient pas en dessous des 100 milliards de dollars. Une promesse qui suscite des questions, d'autant que certaines institutions internationales, comme la Banque mondiale, avaient récemment prédit que les réserves de change de l'Algérie risquaient de tomber à 60 milliards de dollars fin 2018. Un chiffre réfuté par la Banque d'Algérie qui soutient que le niveau sera «nettement supérieur à 60 milliards de dollars fin 2018». L'Etat de notre épargne en devises est source d'inquiétude à mesure que son érosion s'accélère. Entre le début de la chute des cours du pétrole (juin 2014) et la fin de l'année 2015, soit en un an et demi, les réserves avaient déjà baissé de près de 25%. Et si les prévisions de Sellal se confirment pour 2016, cela équivaudrait à une chute de 40% en moins de 3 ans de crise. Les perspectives s'annoncent donc difficiles d'ici la fin du mandat du président Bouteflika, si les cours du pétrole ne remontent pas. Et pour l'heure, rien n'indique qu'ils remonteront, ayant toute la peine du monde à toucher la barre des 50 dollars. Dans cette conjoncture, maintenir la barre des réserves de change à un niveau de 100 milliards dollars jusqu'en 2018 paraît improbable. Mais le Premier ministre se veut rassurant, grâce t à des prévisions de revenus pétroliers en hausse à 35 milliards de dollars en 2017 et 45 milliards de dollars en 2018. «Objectivement, c'est possible et c'est ce que le gouvernement essaye de faire à travers notamment la réduction des importations par des artifices administratifs ainsi que par le recours aux dévaluations du dinar», explique Mohamed Ghernaout, expert financier. Le taux de change moyen officiel du dinar a perdu 35% face au dollar et plus de 13% face à l'euro entre 2014 et la fin du premier semestre 2016, selon les chiffres du ministère des Finances. Sur le marché parallèle, le gap est encore plus important. Difficile mais pas impossible «Le pétrole se vend encore et les flux sortants sont en train d'être comprimés au maximum», observe pour sa part un expert bancaire. «Nous étions à 70 milliards de dollars d'importation, nous serons peut-être autour des 45 milliards.» Freiner les importations est l'une des premières mesures prises par le gouvernement dans sa quête d'économie de devises, mais pour l'heure, ses effets ne sont pas spectaculaires. Le rythme de nos importations baisse plus lentement que celui de nos exportations et le flux des investissements directs étrangers a chuté de 50% entre 2014 et 2015, à seulement 700 millions de dollars, si bien que le solde de la balance des paiements se creuse inexorablement. «Nous sommes dans le flou, mais le gouvernement doit avoir des éléments que nous n'avons pas pour avancer le chiffre de 100 milliards», commente un économiste. Mais au-delà de l'importance du chiffre avancé, ce sont ses conséquences éventuelles qui posent problème. «La réduction des importations conduit inévitablement à celle du PIB et l'augmentation du chômage ainsi que tous les autres fléaux sociaux qui lui sont associés (pauvreté, violence, etc.)», s'inquiète Mohamed Ghernaout. Pour prévenir cela, l'Algérie peut emprunter la voie de l'endettement international, aujourd'hui incontournable, alors qu'il avait été totalement écarté au début de la crise. «Il peut conduire au maintien des réserves de change au niveau des 100 milliards de dinar, à condition qu'il soit maintenu à des niveaux acceptés par les institutions financières internationales, c'est-à-dire, autour de 12% des exportations des biens et services ou 25% du PIB», estime Mohamed Ghernaout. «Au-delà de ce niveau, l'endettement devient plus cher et très risqué. Or, ce niveau est déjà atteint, puisque tous nos soldes de balance des paiements sont déjà dans le rouge.» La question est de savoir combien de temps encore le gouvernement va prendre pour se décider à s'endetter, sachant qu'il y a des risques à trop temporiser. «On s'endette quand on est beau à voir, pas quand on est sur les genoux», observe un banquier. Il y a un an, Sellal déclarait que dans le cas où le pays serait obligé de recourir au marché financier international pour faire un prêt, il «aurait toutes les chances de l'obtenir». Rien n'est moins sûr. «Il faut le faire maintenant que le crédit est plus bas. En 2017, si la relance se fait en Chine ou ailleurs, le crédit va être plus cher», prévient l'expert. Jusqu'à quand pourra-t-on donc repousser l'échéance ? «Quand aura compris que l'endettement extérieur peut être un levier important pour le financement de la croissance et le développement économique du pays quand il est bien géré», pense Mohamed Ghernaout. Peut-on encore attendre «quand on sait que tous les soldes de la balance du pays sont au rouge et que les recettes budgétaires du fait du maintien à un niveau bas des prix de pétrole ne seront peut-être pas suffisantes pour couvrir toutes les dépenses de l'Etat ainsi que le service de la dette interne et externe future ?» La décision d'emprunter n'est pas simple, d'autant qu'il faudra savoir pour quelles raisons s'endetter. Si c'est pour couvrir les importations, «il faudrait à un moment donné que certaines importations acquises auprès de certains pays amis -ceux qui nous fournissent à 20% ou 30%- ne soient plus payées cash. ça donnera un répit à nos sources en devises», explique un spécialiste des finances. Si c'est pour couvrir des investissements à caractère marchand, cela peut se faire à travers «un partage des risques, soit par des IDE ou par des financements préférentiels». Mais un endettement qui n'est pas destiné à la croissance, mais pour couvrir les besoins de fonctionnement, il ne peut être envisagé qu'en «dernier recours». L'Algérie n'est pas encore là mais risque d'y arriver bien vite si elle tarde à se décider.