Bakhti Belaïb, qui pointe du doigt les activités illégales relevant de son secteur, ne fait que dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Bakhti Belaïb part-il en croisade contre la maffia ? En deux jours, le ministre du Commerce a défrayé la chronique et s'attaque de front à des commerçants qui ne semblent connaître aucune limite. Même si, comme ses autres collègues du gouvernement, il ne cite personne. A l'issue d'une rencontre avec des associations de consommateurs, tenue mardi dernier, le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb a raconté l'histoire d'un importateur qui a réussi à faire dédouaner sa marchandise malgré l'interdiction de toutes les institutions de l'Etat (Douanes et DGSN). Plus grave, la marchandise retrouvée dans les containers (pièces détachées) n'a rien à voir avec celle qui a été déclarée à l'origine (produits alimentaires). Le récit du ministre est circonstancié et précis : au lendemain du blocage de la garnison, l'importateur se présente au ministère du Commerce pour menacer les cadres. «Je vais faire entrer ces produits !» a-t-il dit, comme un défi. Malgré les oppositions de l'Etat, la marchandise est entrée sur le territoire national. Le ministre n'a pas dit si la marchandise a été écoulée ou pas. Mais le fait est là : comme beaucoup d'autres commerçants, l'indélicat importateur a réussi à utiliser ses connaissances pour faire passer ce qu'il veut sur le territoire national. «La délinquance dans le commerce se généralise», accuse encore le ministre. En réalité, Bakhti Belaïb ne fait que dire tout haut ce que les Algériens pensent tout bas. Et ce n'est pas un hasard si le pont qui relie le port d'Alger au boulevard de l'ALN est baptisé «pont des généraux», même si cela ne signifie pas que tous les généraux font du commerce. L'importateur «a des épaules», indique le ministre. Il est exactement comme ceux qui se permettent d'importer des produits interdits d'importation mais qui se trouvent, en quantité industrielle, sur le marché national. Lundi, le même responsable a révélé que ce sont des «lobbies», qu'il n'a pas nommés, qui ont arrêté l'importation des véhicules de moins de 3 ans. Une affirmation lourde de sens dans un pays où la transparence est l'élément qui manque le plus à la gestion des affaires publiques. Ce n'est pas la première fois que Bakhti Belaïb défraye la chronique. Il y a quelques mois, il a indiqué sur les ondes de la Radio nationale que près du tiers des importations sont surfacturées. Un fait que la presse a estimé à près de 20 milliards de dollars. Il a tenté d'expliquer, plus tard, que ce ne sont pas tous les importateurs qui surfacturent. Mais la messe est dite. Il faut dire qu'avant Bakhti Belaïb, Amara Benyounès avait lui aussi indiqué que certains concessionnaires automobiles faisaient de la surfacturation. Il avait également accusé une maffia d'être derrière un commerce illégal d'alcools. Mais ses déclarations, comme celles de Belaïb, n' ont pas été suivies d'effet. Cela rappelle également les déclarations de Abdelaziz Bouteflika au début de son règne. Il avait affirmé que «15 chats ont pris en otage le pays», en allusion à de hauts responsables qui détenaient le monopole sur le commerce extérieur. Mais 17 ans après, il semble que rien n'ait vraiment changé. Les ministres parlent, dénoncent comme le fait le simple citoyen. La maffia du commerce, elle, continue de sévir.