L'Amérique a encore un grand problème avec ses minorités qui souffrent du racisme et de l'exclusion. Aussi, les flambées de violences raciales y sont-elles devenues récurrentes ces dernières années. L'appel au calme lancé, mercredi, par le président Barack Obama n'a pas été entendu. Malgré la déclaration de l'état d'urgence, du renfort de l'armée (Garde civile) et de l'instauration d'un couvre-feu entre minuit et 6h à Charlotte, dans le sud-est des Etats-Unis, il y a encore eu de nombreux débordements. Des centaines de personnes ont ainsi bravé le couvre-feu, entré en vigueur dans la nuit de jeudi à hier, afin de manifester, pour la troisième nuit consécutive, contre l'homicide d'un Afro-Américain par un policier. Pour la troisième nuit, de violents affrontements ont donc opposé les manifestants et les forces de l'ordre à la suite du décès de Keith Lamont Scott, abattu par la police, mardi, dans des circonstances troubles. Ce citoyen afro-américain de 43 ans a été, selon sa famille, abattu par la police lors d'une bavure flagrante mardi, sur le parking d'un immeuble. A l'entrée de la ville, la police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour disperser les manifestants. En revanche, dans le centre de Charlotte, l'atmosphère était plus calme. Des centaines de manifestants se sont contentés de marcher vers le commissariat de police de la ville en brandissant des panneaux proclamant «Stop killing us» (Arrêtez de nous tuer) et «Resistance is beautiful» (La résistance est belle) et «Hands up, don't shoot» (Mains en l'air, ne tirez pas). «Mains en l'air, ne tirez pas» Dans la journée, la famille de Keith Lamont Scott a pu voir deux vidéos du drame. Pressé par des habitants ainsi que par l'ACLU, puissante association américaine de défense des libertés, de rendre les images publiques, le chef Putney s'y est refusé. Il a cependant admis que la séquence filmée n'offrait «pas de preuve visuelle indiscutable confirmant que quelqu'un est en train de pointer une arme». Un aveu semblant affaiblir la thèse policière selon laquelle le policier qui a tiré était directement menacé par Keith Lamont Scott. Des membres de la famille de la victime ont vu la vidéo et l'un de leurs avocats a dit sur CNN qu'aucune arme n'y apparaissait. Pour tenter de ramener le calme, les autorités de Charlotte ont donné leur ok pour un déploiement de militaires devant l'hôtel Omni, scène des pires violences la veille. «Nous avons maintenant les ressources permettant de protéger les infrastructures et d'être nettement plus efficaces», avait prévenu le chef de la police de Charlotte-Mecklenburg, Kerr Putney. Il avait affirmé plus tôt dans la journée que «plusieurs centaines» de membres supplémentaires des forces de l'ordre tenteraient d'empêcher les saccages des deux soirées précédentes, qui ont conduit le gouverneur de Caroline du Nord à décréter l'état d'urgence. De son côté, le président Obama a téléphoné mercredi aux maires de Tulsa et de Charlotte, appelant les manifestants, mais aussi les forces de l'ordre, au calme et à la mesure. Noirs et désarmés Les deux candidats à la présidentielle du 8 novembre se sont également saisis de ces événements. Hillary Clinton a cité les victimes de Tulsa et Charlotte, «deux noms de plus sur une liste d'Afro-Américains tués par des officiers de police. Nous devons faire mieux, et je sais que nous le pouvons. (…) Une chose est sûre : trop de gens ont perdu la vie et n'auraient pas dû». Donald Trump a rappelé sa «foi énorme dans la police et l'application de la loi», mais s'est dit «troublé» par les images de Tulsa, se demandant si la policière avait tiré à cause d'un accès de panique. Il s'est prononcé pour la généralisation du «stop-and-frisk», une méthode policière permettant d'arrêter et de fouiller tout suspect, mise en œuvre par son conseiller Rudy Giuliani lorsqu'il était maire de New York. Les flambées de violences raciales sont devenues récurrentes aux Etats-Unis. Celles-ci ont été déclenchées par des crimes racistes. En août 2014 à Ferguson, dans le Missouri, et en avril 2015 à Baltimore, dans le Maryland, la mort sous les balles de la police de jeunes Noirs désarmés avait déclenché des tensions et des émeutes pendant plusieurs semaines. Les statistiques font état de 706 personnes tuées cette année par la police aux Etats-Unis, dont 324 Blancs, 173 Noirs et 111 Hispaniques. Seule la moitié des victimes était en possession d'une arme à feu.