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«Le gestionnaire est redevenu coupable parce que responsable»
Me Abderahmane Boutamine. Avocat pénaliste
Publié dans El Watan le 26 - 09 - 2016

Recours abusif à la détention préventive, atteinte aux libertés individuelles, manquement aux droits de l'homme, sécurité juridique ou encore dépénalisation de l'acte de gestion, Me Boutamine, l'un des avocats pénalistes les plus redoutés du barreau algérien, n'a rien laissé au hasard. Dans ce bref entretien qu'il a bien voulu accorder à El Watan-Economie, l'ancien disciple du défunt Jaques Vergès, dont le nom est souvent associé à l'affaire «Sider», a tenu à revenir sur quelques sinistres «précédents» judiciaires des années 1990, qui resteront gravés dans la mémoire collective et les annales de la justice algérienne.
- Après 54 mois de détention préventive et 28 demandes de mise en liberté rejetées, Ali Boumbar, ex-Pdg de la Cnan, comparaît, une nouvelle fois, devant le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed (Alger), le procès s'étant rouvert mercredi dernier. Comment s'apprécie la légitimité du maintien en détention d'un accusé qui plus est, le délit pour lequel il est poursuivi est lié à la gestion ?
La question de la détention préventive est au cœur de la problématique sécurité/liberté. Autrement dit, comment garantir la liberté tout en assurant la sécurité. Je dois préciser que la détention préventive est un régime dérogatoire au régime de liberté. Préventive en ce qu'on doit y recourir pour la nécessité, justifiée, d'assurer la protection des preuves et des témoins voire même de la personne objet de poursuites judiciaires, de garantir la représentation du prévenu et en raison du caractère exceptionnellement grave des faits. Nécessaire, si les mesures du contrôle judiciaire prévues dans le code de procédure judiciaire, de façon non exhaustive, s'avéraient insuffisantes.
Dérogatoire au principe de liberté, elle doit rester exceptionnelle et provisoire. L'affirmation de ces principes fondamentaux est consignée par le législateur algérien dans le code de procédure pénale. Ce qui fait, par contre, débat, dont il faut s'inquiéter et qu'il faut condamner, c'est à la fois le recours abusif à la détention provisoire et sa transformation en détention punitive, tant le provisoire dure jusqu'à plusieurs années. Et ce en dépit des dispositions de la loi et des discours récurrents des responsables du département de la Justice.
Le recours abusif à la détention préventive est contreproductif tant au niveau de l'atteinte à la liberté de l'individu, qu'au niveau des coûts induits sur le budget de l'Etat par la surpopulation carcérale, et par les indemnisations versées aux personnes ayant fait l'objet d'une détention préventive et qui ont bénéficié d'une relaxe ou d'un acquittement définitif. Le non-respect du caractère provisoire de la détention préventive en fait, souvent, une «punition» avant tout jugement. Et les exemples sont, en effet, innombrables.
Un des cas emblématiques : les cadres de Sider qui ont subi une détention provisoire qui a duré quatre années pour aboutir à un acquittement général. Un de ces cadres, Mme Laouar, atteinte d'un cancer, est décédée en détention. Les demandes de mise en liberté, en ce qui la concerne, ayant systématiquement été rejetées. Elle fut doublement et injustement sanctionnée. Privée de sa liberté pendant des années et privée de son acquittement- réhabilitation étant décédée avant la tenue du dernier procès après cassation qui a prononcé l'acquittement de tous les accusés.
L'actualité offre également d'autres exemples, hélas, comme celui de l'ex-PDG de la CNAN que vous avez cité. Il est détenu «provisoirement» sans jugement depuis…quatre années. Autant dire que même s'il y a, aujourd'hui, quelques velléités d'avancées sur cette question (on projette de faire usage des bracelets électroniques pour éviter la mise en détention, le travail d'intérêt collectif…), il reste qu'il ne s'agit pas de trouver des solutions aux effets induits par le recours abusif à la détention préventive, mais d'agir au niveau de la préservation et de la protection des libertés.
- De nouvelles mesures ont été récemment introduites pour soustraire l'acte de gestion du champ pénal. Or, d'aucuns assimilent ces mesures à une protection factice des cadres gestionnaires contre la sanction pénale. Qu'en pensez-vous ?
Bien au contraire, sur cette question on peut dire qu'il y a eu régression. Notons d'abord que dépénaliser l'acte de gestion, c'est soustraire à la sanction pénale les fondamentaux du management, comme la prise de risque, la liberté d'entreprendre par l'appréciation, par le seul gestionnaire, de l'opportunité de l'acte de gestion, le devoir du gestionnaire d'assurer à l'EPE une adaptation continue aux fluctuations des marchés, de la Bourse, de l'environnement économique et social, etc.
En 1988, on peut dire qu'il y avait une réelle volonté de dépénaliser l'acte de gestion lorsque les lois sur l'autonomie de l'entreprise avaient été promulguées. Celles-ci interdisaient et condamnaient toute immixtion dans la gestion de l'Entreprise publique économique (EPE). Ce qui signifiait la fin, ou moins la volonté de mettre fin à l'économie administrée.
De même, ces lois instituaient l'évaluation et la sanction administratives du manager (gestionnaire) par la soumission de ce dernier à un contrat de performance dans lequel sont assignés des objectifs économiques et financiers. Plus tard, et par le biais du décret 90/290, relatif à la relation de travail des cadres dirigeants, il a été introduit un système d'émulation par la participation aux résultats réalisés, notamment par la négociation libre du salaire du cadre dirigeant avec une partie fixe et une partie variable.
La sanction encourue par le gestionnaire qui cause à l'EPE, par ses actes de gestion, un préjudice ou une perte, est de caractère administratif : la résiliation ou le non-renouvellement de son contrat. Hors les cas de malversation à caractère criminel (vol, détournement, faux et usage de faux…). C'était la fin du crime pour «mauvaise gestion». On admettait le principe de l'autonomie de l'entreprise, de la sanction administrative au lieu et place de la sanction pénale.
On abandonnait le dogme du risque zéro dans le management de l'entreprise. En d'autres termes, on déclarait le gestionnaire responsable mais non coupable. Cela devait durer peu de temps avant que soit décidé le démantèlement des grandes plateformes industrielles et leur cession ou l'ouverture de leur capital à des partenaires étrangers avec les procès en sorcellerie des principaux cadres gestionnaires algériens et l'issue que l'on sait et qui ne fut pas heureuse pour tous.
- Les notions et les concepts en matière pénale doivent être suffisamment précis. S'ils sont vagues, imprécis, pourraient-ils donc servir d'alibi à tous les arbitraires ?
En quelque sorte oui. Je m'explique : si à un moment, fut abandonné le crime pour «mauvaise gestion», de nouveaux concepts juridiques furent introduits dans le code pénal qui reviennent vers la pénalisation de l'acte de gestion. En effet, de nouveau, sont passibles de sanctions pénales les actes de gestion constitutifs du délit de «dissipation» et/ou de «perte» causés à l'entreprise sans intention criminelle. Nous sommes dans la notion de «mauvaise gestion». On confie au juge le pouvoir d'apprécier l'opportunité de l'acte de gestion des années après et sans considération du contexte !
Ces notions d'interprétation non restrictives n'offrent aucune sécurité juridique. Tout système juridique soucieux de protection des libertés édicte, en matière pénale, des lois fondées sur des concepts et des notions d'interprétation restrictives. C'est un principe général du droit en matière pénale. Ainsi, le législateur a introduit la notion de responsabilité pénale indirecte et a ouvert le champ aux dérives de la responsabilité collective. Le gestionnaire est redevenu coupable parce que responsable.
Ce retour vers la pénalisation de l'acte de gestion va remettre en cause tous les fondamentaux du management ; l'opportunité de l'acte de gestion, la prise de risque, l'adaptation aux aléas du marché, le respect des normes de bonne gestion en matière de ressources humaines, le sens de l'initiative… Ce qui est remarquable, c'est l'apartheid dans l'application de cette législation ; en effet, les partenaires étrangers majoritaires ne sont nullement inquiétés par les libertés qu'ils prennent à l'égard de la loi pour les actes de gestion qu'ils utilisent.
Parfois avec les déconvenues que l'on sait quand on pense au cas, non exhaustif, d'ArcelorMittal qui a bénéficié de toute la liberté dans la conduite de la gestion de l'entreprise, avec des plans sociaux ayant ramené les effectifs de 22 000 travailleurs en 1999 à un peu plus de 4000 en 2015, pour ne citer que ce domaine. Les managers algériens n'ont pas eu ces libertés, pourtant relevant des fondamentaux du management et du droit d'appréciation de l'opportunité des actes de gestion. Ils ont eu à subir la pléthore à leur corps défendant, au nom de la paix sociale et de l'économie administrée. Alors dans ces cas, sans liberté, au sens d'autonomie, il ne devrait pas y avoir de responsabilité, encore moins de culpabilité.
Depuis, on a soumis l'EPE aux dispositions du code des marchés publics. Dans un premier temps illégalement, puisque le code ne s'appliquait pas aux EPE, cela n'a jamais empêché les tribunaux de l'opposer aux gestionnaires. Dans un deuxième temps, le législateur, tout en réaffirmant que le code des marchés publics ne s'applique pas aux EPE, a inséré des dispositions obligeant les gestionnaires à les intégrer dans les procédures de gestion propres à l'entreprise ! Ce faisant, on a achevé d'enserrer l'EPE dans un carcan bureaucratique négateur de tout esprit d'entreprise.


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