Les conséquences des restrictions budgétaires induites par la chute du cours de pétrole se font sentir progressivement et lourdement dans le secteur de la culture. Les théâtres du pays sont désormais payants pour les associations qui y organisent leurs activités. C'est ce qu'a appris à ses dépens le Café littéraire de Béjaïa (CLB), association non lucrative, qui est soumis désormais au paiement d'une somme pour pouvoir continuer à organiser ses rencontres publiques avec des écrivains et des artistes. Le théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh de Béjaïa (TRB) le lui a signifié en lui exigeant la somme de 50 000 DA pour chaque rencontre, ce qui le met dans le désarroi à quelques jours de l'organisation d'une nouvelle édition des Muses exilées. Cette exigence, mise en œuvre sur orientation de la tutelle, serait appliquée dans toutes les structures du secteur dont font partie aussi les maisons de la culture. Le Café littéraire, qui dénonce vigoureusement cette mesure, croit savoir que le ministère de la Culture «aurait également incité cet établissement (le TRB, ndlr) à renflouer ses caisses en faisant chèrement payer les associations et les artistes en général». Ce même contexte de l'austérité a fait réagir, pour rappel, le syndicat des théâtres (UGTA) qui a dénoncé le plafonnement à 50% du budget des théâtres et alerté sur le risque de licenciement de la moitié du personnel de ceux-ci. Dans une déclaration remise à la presse, le CLB considère que «vouloir aujourd'hui soumettre le Café littéraire à une telle exigence financière, dans un contexte de désert culturel, c'est priver nos poètes, écrivains et scientifiques d'un espace qui leur appartient». Pour lui «cette démarche est irréaliste et myope à la fois, et ne donnera pas le résultat escompté, car comme tout le monde le sait, les associations ne sont pas en mesure d'une telle prouesse financière, puisqu'elles vivent pour la plupart d'entre elles de leurs maigres subventions». Rendre payants les établissements de la culture tend à fermer les rares espaces disponibles à la face des associations qui sont confrontées déjà à des difficultés bureaucratiques qui les empêchent d'organiser leurs activités culturelles dans ces lieux. «Vouloir s'obstiner dans cette exigence hypnotique inciterait les associations à l'apathie et à la mort lente, et réduirait par ricochet la vie culturelle en peau de chagrin, déjà que son sort est si peu reluisant», écrit le CLB, qui estime qu'assimiler un établissement culturel à une entreprise qui doit se soumettre à l'exigence de la rentabilité financière «serait aussi une grave erreur». L'occasion de cette nouvelle mesure amène le Café littéraire à toucher du doigt la nécessité de revoir la politique culturelle du pays «en permettant aux théâtres d'avoir une liberté d'initiative et surtout une liberté de création». «L'art, ajoute le CLB, ne peut s'accommoder d'orientations bureaucratiques, politiques, émanant de décideurs follement avides de mettre des œillères à la création artistique».