L'austérité frappe de plein fouet le monde de la culture à Béjaïa. Les associations culturelles sont astreintes au paiement des redevances pour toute activité. C'est ce que laisse entendre en substance un communiqué du Café littéraire de Béjaïa. Après sept longues années ininterrompues d'activités culturelles liées à la promotion du livre, de la lecture et du débat d'idées, le Café littéraire de Béjaïa vient d'être sommé par le TRB de s'acquitter d'une assommante somme de 50.000 DA à chaque fois qu'il veut réserver une salle pour animer une seule conférence! Cette mesure serait prise, nous dit-on, pour pallier les restrictions budgétaires imposées par sa tutelle, le ministère de la Culture, qui aurait également incité cet établissement culturel à renflouer ses caisses en faisant chèrement payer les associations et les artistes en général. «Disons-le tout de suite: cette démarche est irréaliste et myope à la fois, et ne donnera pas le résultat escompté, car comme tout le monde le sait, les associations ne sont pas capables d'une telle prouesse financière, puisqu'elles vivent pour la plupart d'entre elles de leurs maigres subventions. Vouloir s'obstiner dans cette exigence hypnotique, inciterait les associations à l'apathie et à la mort lente, et réduirait par ricochet la vie culturelle en peau de chagrin, déjà que son sort est si peu reluisant», écrit le Café littéraire dans son communiqué rendu public hier. Nous sommes donc absolument contre ces restrictions budgétaires et nous exprimons sans ambages notre solidarité avec le personnel du TRB s'il venait à être menacé dans sa stabilité professionnelle. Nous n'oublierons jamais que pendant ces sept années, ce personnel a toujours été à nos côtés et a montré une réelle disponibilité à porter notre activité comme si elle était la sienne propre», ajoute-t-on. «Considérer un établissement culturel comme une entreprise soumise aux mêmes règles de rentabilité financière que les entreprises économiques serait aussi une grave erreur. S'il faut par contre le rentabiliser, ce qui est fort nécessaire aussi, nos théâtres doivent impérativement jouer leur rôle: assurer une production et une programmation continues de spectacles payants dont la population a tant besoin. En plus du large public, nos théâtres peuvent aussi toucher régulièrement les publics scolaire et estudiantin, pour leur divertissement et leur épanouissement d'abord», estiment les rédacteurs du communiqué, qui plaident pour «un changement de politique culturelle en permettant aux théâtres d'avoir une liberté d'initiative et, surtout, une liberté de création». «L'art ne peut s'accommoder d'orientations bureaucratiques, politiques, émanant de décideurs follement avides de mettre des oeillères à la création artistique», se montrent convaincus les rédacteurs. «A la place d'artistes pétillants, originaux, nous avons des exécutants flasques, serviles, sans imagination ni passion. Résultat des courses: la production théâtrale nationale devient affligeante de médiocrité au point que le public, que nul ne peut tromper, tourne furieusement le dos aux tréteaux», assènent-ils encore. La vraie crise, s'il y en a une, est d'abord artistique, subséquente à une politique culturelle inadéquate. Réhabilitons l'art! Respectons la liberté de création! Rétablissons la dignité de l'artiste! La culture s'en portera beaucoup mieux, le public reprendra le chemin de nos théâtres et l'argent, dont on parle à tort et à travers, ne viendra pas à manquer. «Vouloir aujourd'hui soumettre le Café littéraire à une telle exigence financière, dans un contexte de désert culturel, c'est priver nos poètes, écrivains et scientifiques d'un espace qui leur appartient», souligne le Café littéraire de Béjaïa. Celui-ci est l'un des rares collectifs culturels en Algérie à pouvoir survivre grâce à l'abnégation de ses membres et il serait malvenu que ceux qui sont censés promouvoir la culture lui fassent dresser de nouveaux obstacles sur son chemin. Le Café littéraire vivra, le débat d'idées aiguisera les intelligences et le livre aura sa place, une bonne place dans notre société. Voilà notre credo, conclut-on.