Au fil du temps, le pays est devenu un échiquier où chacun joue sa carte en fonction de ses intérêts nationaux. Le 22 septembre, quelques jours après la fin d'une trêve d'une semaine initiée par les Américains et les Russes, l'armée syrienne annonce une offensive majeure en vue de reprendre les quartiers rebelles. L'est d'Alep est depuis sous le feu d'intenses bombardements meurtriers du régime et de la Russie. Et les pays occidentaux ont nettement durci le ton face à Damas et surtout Moscou, accusé directement d'organiser l'offensive sur Alep. Dimanche, l'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, a ainsi accusé Moscou de «barbarie», tandis que l'ambassadeur français, François Delattre, a évoqué des «crimes de guerre» à Alep. L'ambassadeur britannique, Matthew Rycroft, a pour sa part évoqué une saisine de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre. De son côté, le Kremlin a fustigé «le ton et la rhétorique inadmissibles» des ambassadeurs américain et britannique en réponse à ces accusations. «Nous considérons le ton et la rhétorique des représentants de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis comme inadmissibles et de nature à faire du tort à nos relations et au processus de règlement» du conflit, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il a jugé la situation en Syrie «extraordinairement compliquée» et de nouveau accusé les rebelles d'avoir utilisé la trêve pour «se regrouper et renouveler leur arsenal» avant de nouvelles offensives. «Nous constatons également, sans céder à l'émotion, qu'il n'y a toujours pas eu de séparation entre la soi-disant opposition modérée et les terroristes» à Alep, a-t-il ajouté. «Cela rend la situation extrêmement tendue.» Il a néanmoins indiqué, tout en jugeant le cessez-le-feu «peu efficace», que la Russie «ne perdait ni espoir ni volonté politique» d'avancer dans le processus de paix en Syrie. A partir de fin septembre 2015, la Russie vient à la rescousse du régime, permettant à Damas de reprendre du terrain aux rebelles notamment dans l'Ouest. Le 1er février 2016, le régime, aidé par des miliciens et des combattants du Hezbollah libanais et avec le soutien de l'aviation russe, a lancé une offensive contre les rebelles dans la province d'Alep. Une trêve instaurée le 27 février par la Russie et les Etats-Unis a été violée à plusieurs reprises. Au fil du temps, avec l'échec de la diplomatie à trouver une issue à la crise syrienne, le pays est devenu un échiquier où chacun joue sa carte en fonction de ses intérêts nationaux. Outre les Occidentaux et la Russie, y sont impliqués l'Iran qui soutient Damas, les monarchies arabes du Golfe et la Turquie qui souhaitent le départ du président Bachar Al Assad. Plusieurs acteurs Les intérêts y sont tellement imbriqués que mêmes des alliés n'arrivent pas à s'entendre entre eux. Sachant qu'ils font face sur le même champ de guerre au groupe Etat islamique (EI). Ainsi, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a qualifié dimanche d'«inacceptable» le projet des Etats-Unis de livrer des armes aux Kurdes syriens qui combattent l'EI. Les Etats-Unis «coopèrent malheureusement avec une organisation terroriste qui attaque la Turquie», a-t-il déclaré. «C'est inacceptable», a-t-il ajouté. Ankara assimile les Unités de protection du peuple kurde (YPG) à la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) basé en Turquie, qu'elle considère comme une organisation terroriste. «Les armer est très dangereux. Les armes données à ces forces» sont «ensuite vendues à l'EI et à d'autres organisations terroristes», a affirmé le chef de la diplomatie turque. Washington envisage de fournir des armes aux Kurdes syriens qui participeront à l'offensive pour reprendre Raqqa, le bastion de l'EI en Syrie, a indiqué jeudi le plus haut gradé américain, le général Joseph Dunford. Pour le moment, les Etats-Unis affirment n'avoir fourni des armes qu'à la composante arabe des Forces démocratiques syriennes (FDS), la coalition arabo-kurde qui a repris récemment à l'EI la ville stratégique de Minbej. Mais ils envisagent désormais d'en fournir à la composante kurde, les YPG, afin d'augmenter «les chances de succès à Raqqa», a expliqué le général Dunford. Le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, s'est lui aussi montré favorable à l'armement des Kurdes. «Nous n'avons pas pris de décision» sur cette question, a-t-il toutefois précisé. Pour Washington, la composante kurde des FDS doit mener l'offensive pour reprendre Raqqa, avant de céder le contrôle de la ville à la composante arabe qui aura la responsabilité, avec d'autres groupes, de la tenir.