Le Soudan demeure, aussi longtemps que la volonté politique manquera, ce corps malade, et même très malade, avec une situation nullement enviable faite de guerres et le pluriel n'est pas de trop, et de calamités naturelles. Au point que son existence est réellement menacée. Ce corps malade dispose cette fois, et contre son gré, d'un collège d'experts venus chacun avec sa thérapie. Pour être plus précis, des sanctions internationales ou une intervention de même nature. Et c'est certainement ce qui a amené les autorités soudanaises à se montrer sensibles aux recommandations qui leur sont faites depuis quelque temps, et surtout de respecter l'échéancier qui a été fixé par les plus hautes autorités internationales, le Conseil de sécurité en l'occurrence. Et fait peu ordinaire, le Soudan a remis hier à l'ONU une liste de trente miliciens Djandjawids accusés de crimes dans le Darfour, alors qu'ils sont supposés constituer sa force paramilitaire. Le geste politique Il ne sera pas difficile dans ces conditions de parler de lâchage. Ce geste éminemment politique précède de 24 heures la reprise aujourd'hui dans la capitale du Nigeria, Abuja, de pourparlers intersoudanais et durant cette même semaine, la présentation d'un rapport préliminaire au Conseil de sécurité sur la situation sécuritaire et humanitaire dans cette province de l'ouest du Soudan. Jan Pronk, représentant personnel au Soudan du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, doit présenter demain un rapport verbal devant le Conseil de sécurité sur les dispositions déjà prises par le Soudan pour répondre aux exigences de l'Onu au Darfour avant la fin du mois d'août. Ce rapport précédera celui que doit présenter M. Annan devant le Conseil à une date qui n'a pas encore été annoncée et qui sera déterminant pour l'imposition ou non de sanctions internationales contre le Soudan. Le 30 juillet, le Conseil de sécurité avait demandé à Khartoum de désarmer les milices pro-gouvernementales, de rétablir la sécurité et d'assurer l'acheminement de l'aide alimentaire aux sinistrés de cette région, déchirée par la guerre civile et théâtre d'une grave crise humanitaire. Plus de 1,2 million de personnes sont affectées par la crise et la guerre civile a fait entre 30 000 et 50 000 morts depuis son déclenchement il y a 18 mois, selon l'Onu. Khartoum a présenté à Jan Ponk une liste de 11 zones qu'il envisage de rendre sûres pour accueillir les déplacés. Mais selon les organisations humanitaires, si l'aide alimentaire arrive sans entraves au Darfour depuis début juillet, la sécurité est loin d'être rétablie. A 9 jours de la date butoir fixée par l'Onu, le général Abdel Rahim Mohammed Hussein, ministre de l'Intérieur et représentant personnel au Darfour du chef de l'Etat soudanais, a lié le ramassage des armes à une réconciliation des tribus locales et leur participation dans l'aministration locale. L'engagement de Khartoum Le 5 août, le général Jamal ElHouerees, directeur de la police du nord Darfour, avait annoncé que le désarmement des milices allait commencer à partir de la semaine suivante (le 12 août) après l'installation des commissions sécuritaires et judiciaires dans la province. « Le désarmement se fera sur une base volontaire ou à la suite de perquisitions menées par la police », avait-il précisé. Le ministre de l'Information Al Zahawi Ibrahim Malek avait de son côté indiqué, début août, que le gouvernement envisageait de racheter leurs armes aux milices et a demandé une aide internationale pour financer l'opération. Le désarmement des milices Djandjawids, responsables d'exactions contre les sédentaires d'origine africaine, est une des conditions posées par les Nations unies pour renoncer à des sanctions contre le Soudan. Khartoum s'est engagé à reprendre les négociations avec un « esprit ouvert » aujourd'hui à Abuja (Nigeria) avec les rebelles du Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE) et l'Armée de libération du Soudan (ALS), qui demandent plus d'autonomie pour le Darfour et un partage des richesses (pétrole, uranium, cuivre) avec le reste du pays. Ces négociations parrainées par l'Union africaine (UA) portent bien leur nom, celui de la dernière chance, puisque le Soudan désormais coincé au plan international, ne saurait se dérober plus longtemps à ses obligations, et à un véritable cahier des charges lui est aussi imposé par l'ONU. Ce sont, à vrai dire, des décennies de contradictions qui ont muri dans le plus mauvais sens bien entendu, pour un pays qui a tout pour prétendre à un meilleur sort.