Lorsqu'on parle d'accès aux soins, il me semble que l'on ne peut naturellement pas s'empêcher de mettre l'hôpital au cœur du sujet. Du CHU au plus modeste établissement de santé de proximité, l'hôpital se décline en une multitude de structures qui, tout en quadrillant le pays, définissent également une hiérarchisation des besoins médicaux. Malgré les instructions et les recommandations du ministère de la Santé qui tente de mettre en place un système de santé, il propose, aux patients d'emprunter un chemin particulièrement bien balisé. Un parcours médical qui, lorsque tout se passe bien, permet aux malades de bénéficier d'une prise en charge efficace et à l'hôpital de gérer au mieux l'épineux problème des admissions. Si dans les textes tout semble parfaitement clair, la réalité du terrain est malheureusement bien différente, notamment en ce qui concerne Alger. Particulièrement au fait de cette réalité, on évoque les difficultés de la commission qui est parfois confrontée à un véritable dilemme lorsqu'il s'agit de concilier les intérêts vitaux des malades avec les impératifs d'intendance des hôpitaux de la région d'Alger. Après plusieurs mois d'un délicat travail de rapprochement et d'écoute attentive, je peux dire que la situation est extrêmement tendue, notamment pour les gestionnaires d'hôpitaux qui sont trop souvent « mis devant le fait accompli ». Il y a les malades qui « débarquent » de leur propre initiative dans un service spécialisé « sur simple recommandation, sur une simple ordonnance » d'un médecin et d'autres en raison d'un aiguillage hasardeux. Tout le monde a certainement pu constater que les grands hôpitaux de la capitale sont plongés dans un chaos indescriptible. Sans doute en raison de son image, au demeurant fausse, d'unique centre médical d'excellence du pays, la capitale n'arrive plus à absorber le flot de patients. Inévitablement refoulés ou insatisfaits, certains de ces malades « désorientés » frappent alors à la porte de tous les services des hôpitaux de la capitale et finissent avec le sentiment, voire la conviction, qu'ils ont été victimes d'une profonde injustice médicale. S'il est difficile de faire admettre à une personne qui souffre qu'elle a emprunté le mauvais parcours ou qu'elle a sauté une étape du processus de prise en charge médicale, je pense qu'il est en revanche possible de prévenir ce désordre quasi organisé en agissant en amont. Un travail de prévention qui passerait d'abord par un état des lieux des réelles capacités de gestion des hôpitaux de tout le pays. Ce petit audit nous montrerait certainement le large fossé qui peut séparer la théorie de la pratique et nous révélerait également une multitude d'habitudes néfastes qui parasitent le processus de prise en charge des patients. Parmi ces habitudes néfastes aux conséquences parfois fâcheuses, on peut parler de la facilité avec laquelle certains spécialistes en médecine se laissent guider par le choix de leurs patients, qui exigent expressément une prise en charge dans un hôpital de la capitale et nulle part ailleurs. Cette pratique assez répandue constitue évidement une violation des instructions ministérielles qui imposent un minimum de rigueur et de bon sens dans l'orientation des patients. (Obligation faite à toute structure de santé publique qui évacue, de faire accompagner la malade dans une ambulance par un technicien du corps paramédical et d'effectuer une réservation d'un lit d'hospitalisation dans la structure d'accueil) Au-delà de ces médecins trop « conciliants », il me semble indispensable de focaliser notre attention sur le manque d'information, cela peut sembler très étonnant, mais certains spécialistes ne disposent pas d'une carte sanitaire à jour. En effet, notre commission a plus d'une fois observé des habitants de grandes et importantes wilayas du pays être dirigés vers les CHU d'Alger pour une simple hernie discale ou une petite chirurgie de l'œil. Ce genre de cas laisse clairement supposer que beaucoup de médecins ignorent tout des progrès des structures de santé de leur région. Ils évacuent sur Alger des patients qui auraient très bien pu être pris en charge dans leur région d'origine. L'une des réponses les plus pertinentes au problème dont souffrent les hôpitaux de la capitale serait, en fait, de donner aux instructions ministérielles déjà en vigueur le moyen d'être enfin appliquées. Sans trop réfléchir, on peut par exemple, penser que la simple mise en place d'un réseau télématique permettrait aisément aux médecins spécialistes et aux structures de santé, qui « alimentent » les services de santé spécialisés, de connaître en temps réel les disponibilités d'accueil de ceux-ci. Le dossier médical pouvant être transmis à distance, le patient serait évacué en ayant la certitude d'être correctement pris en charge et l'hôpital s'éviterait un désordre qui nuit depuis trop longtemps à la qualité des soins et à la quiétude des professionnels du secteur de la santé.