Photo : M. Hacène Par Karima Mokrani Dans toutes les structures hospitalières du pays, des améliorations considérables sont constatées au niveau des services des urgences médicales. Il y a de nouveaux équipements, de nouveaux réaménagements des espaces…et un meilleur accueil des malades. Il y a surtout de l'ordre même s'il est superficiel, sommes-nous tentés de dire. La frustration au quotidien En effet, il y a quelques années, n'importe quelle personne accédait à l'intérieur du service, sans être malade, sans pour autant être interpellée par un agent ou un autre. C'était la grande anarchie, des débordements de toutes sortes… et un grand sentiment de frustration et de désolation chez tout le personnel médical et paramédical. Ces derniers ne sachant pas quoi faire, partagés entre les gémissements du malade et les crises de nerfs de ses accompagnateurs. Aujourd'hui, il y a du changement. Un changement qui ne passe pas inaperçu. C'est décidé à un haut niveau, sur instruction des premiers responsables de l'Etat. La santé du citoyen n'a pas de prix, a affirmé, tout récemment, le ministre Djamel Ould Abbes qui ne manque pas une occasion pour réitérer «l'engagement» de tout l'Etat algérien à trouver des solutions à tous les problèmes qui pourraient faire obstacle au développement du secteur. Le ministre rassure que les moyens financiers existent et la volonté politique aussi. Ceux-là ne posent pas problème. Le grand problème réside dans l'organisation du service, soutiennent des médecins et des infirmiers. «Ce que vous voyez là, c'est du maquillage. C'est vrai qu'il y a de nouveaux espaces, un nouveau décor, de nouveaux équipements…mais il reste beaucoup à faire en matière d'organisation du service», affirme un infirmier de l'hôpital de Zéralda, rencontré au CHU de Bab El Oued où il est venu pour une hospitalisation en urgence d'un homme victime d'un accident de la circulation. L'homme doit être hospitalisé dans le service de neurochirurgie. «Nous n'avons pas de service de neurochirurgie à Zéralda. C'est pourquoi nous venons ici à Bab El Oued…Espérons seulement qu'il y ait une place de libre», dit l'infirmier sur un ton inquiet. «S'il n'y a pas de place ici, nous serons obligés de chercher ailleurs… et ce n'est pas du tout amusant», poursuit-il comme pour justifier son désarroi. Le paramédical affirme que son métier n'est pas de tout repos. «Nous passons notre temps à nous bagarrer avec d'autres infirmiers, des agents de sécurité, des responsables d'autres structures hospitalières pour un problème d'hospitalisation. Nous faisons pourtant partie du même corps…» Des situations de conflit vécues au quotidien. Surtout lorsqu'il y a des accidentés de la route. «C'est la même chose pour les problèmes orthopédiques. Nous n'avons pas de service d'orthopédie à Zéralda. Nous transportons donc nos malades à l'hôpital de Douera ou celui de Ben Aknoun. Malheureusement pour nous, ça ne se passe pas dans les meilleures conditions. Aussi bien à Douera qu'à Ben Aknoun, ils prétendent que nous ne dépendons pas du même secteur. Nous nous retrouvons alors ballottés entre un service et un autre, et bien sûr le malade avec nous», raconte l'infirmier de Zéralda. Résidents hésitants et faux malades Au CHU Mustapha, des agents de sécurité veillent au maintien de l'ordre. Ils ne laissent pas entrer tous les visiteurs. «Qu'est-ce que vous avez ?» demandent-ils. Si la réponse n'est pas convaincante, que la maladie prétendue n'est pas réelle, il n'est pas question d'entrer. C'est pour ne pas charger le service en cette période de grandes chaleurs, correspondant aux risques d'asphyxie pour les personnes âgées et les enfants, les problèmes d'intoxications alimentaires, les accidents de la route…il faut libérer le passage pour assurer l'accès aux soins. Dans les bureaux de consultations, des résidents attendent les malades. Cachant mal leur manque d'expérience, ces derniers inquiètent quelque peu les malades. «Ils sont jeunes et sans expérience. Il est difficile de leur faire confiance», fait remarquer un homme, un quinquagénaire. Sa fille souffre terriblement d'une crise de colon et elle doit faire une injection pour calmer la douleur. «C'est un cas urgent, c'est pour cela que je suis venu à l'hôpital. Une fois la douleur passée, je l'emmènerai chez un médecin privé. C'est plus sûr», dit-il. Des malades se plaignent de certains médecins qu'ils considèrent peu qualifiés. De leur côté, des médecins se plaignent de certains malades peu responsables. «Ils viennent pour des petits bobos. Ce n'est pas sérieux», dénonce un médecin qui tient à rappeler à tous que les «urgences médicales» sont ouvertes pour les cas d'urgence. De plus, il y a les polycliniques, les salles de soins. «Je ne comprends pas pourquoi un habitant de Belouizdad, souffrant d'un début d'angine, vient bousculer des malades graves dans un CHU ! Il y a la polyclinique de Bouchenafa et elle fait un bon travail. Pourquoi venir ici?» lance, en colère, un infirmier. Ainsi, malgré l'importance des moyens matériels et humains déployés pour donner un nouveau visage à ces structures de santé, des problèmes d'organisation persistent. Pour cela, il faut que le changement commence par le haut. C'est-à-dire au niveau des premiers responsables de ces structures de santé, estiment des infirmiers. «Il faut mettre de bons chefs. Les problèmes de santé en Algérie sont aussi des problèmes de communication et d'organisation interne», disent-ils.