L'Association nationale de planification familiale (Aapf) lance, avec plusieurs autres associations, un plaidoyer en faveur de l'avant-projet de loi sanitaire adopté avant-hier par le Conseil des ministres. Lors d'une conférence ayant pour thème «Les droits sexuels et reproductifs et les lois relatives à la santé reproductive» organisée hier dans le cadre du forum du quotidien El Moudjahid, le bureau de cette association, ainsi que des juristes et militants de la cause féminine et des représentants du secteur de la santé et des affaires religieuses ont lancé un plaidoyer de soutien à plusieurs articles de ce projet de loi qui favoriseraient la protection des droits des femmes et des enfants. Ce texte comporte plusieurs articles liés à l'avortement thérapeutique. Nadia Aït Zaï, juriste, militante et responsable du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (CCIDEF), estime que l'article 58 du projet de loi qui traite de l'interruption volontaire thérapeutique de grossesse devrait être plus explicite et précis sur les cas concernés par cet acte médical. Le texte en question évoque les malformations décelées en examen prénatal, ou des cas de grossesse pouvant porter atteinte à la santé physique et morale de la maman, ainsi que les cas de grossesse issue de viol ou d'inceste, «les degrés de malformation doivent être précisés, ainsi que la nature de la souffrance morale résultat de viol ou d'inceste», précise l'intervenante, appelant à plus de clarté. Pour Me Aït Zaï, l'adoption de ce texte mettrait un terme aux avortements qui se font clandestinement avec les risques sur la santé. La juriste plaide également pour renforcer la législation concernant le mariage des mineurs, tenant compte des risques pour la santé sexuelle et reproductive des filles. La conférencière s'est penchée également sur les aberrations de la justice qui décide de marier les violeurs avec leurs victimes. Le mariage imposé aux filles, souvent mineures, victimes de viol est hérité de la législation coloniale qui est en vigueur uniquement dans les pays du Maghreb, rappelle la même militante. «Il y a une contradiction entre les textes portant sur la protection des mineurs et celui du code de la famille qui autorise des dérogations pour le mariage des mineurs», a-t-elle relevé. «Plusieurs cas de ces mariages sont motivés par les crimes de viol ou de cas de grossesse avant mariage. Il faut que législateur fixe un âge minimum pour le mariage afin de préserver la santé reproductive des jeunes filles mineures», insiste la juriste. Kamel Chekat, théologien et ancien imam, estime que la religion n'a jamais contredit l'avis médical concernant des cas nécessitant une Interruption volontaire de grossesse (IVG). Le projet de loi sanitaire est général en attendant ses textes d'application, estime l'intervenant. Ce dernier soutient que la loi doit permettre aux spécialistes de trancher sur la question de l'IVG. «Donnons aux médecins ce pouvoir discrétionnaire qu'ont les juges», appelle l'ancien imam qui plaide pour la mise en place d'un comité d'éthique formé par «les médecins pour statuer sur les cas nécessitant un avortement médical». Pour l'association AAPF, le projet de loi sanitaire contient des textes «positifs», notamment pour ce qui est de l'IVG en cas de viol ou d'inceste ou de malformation du fœtus. «Les avis divergent, nous souhaiterions connaître l'avis religieux sur la question et avoir un véritable débat sur cet article», lance Chafia Boulfoul, représentante de cette association. Le président de cette même association, M. Chaïb, annonce la tenue d'une journée d'information avec des mourchidate (conseillères) des affaires religieuses, ainsi qu'une journée parlementaire pour la promotion des nouveautés contenues dans cette nouvelle loi sanitaire en préparation. La loi est générale et doit être encadrée par des textes d'application pour déterminer avec précision les cas concernés par l'IVG thérapeutique, le degré de malformation et la nature du malaise nécessitant cet acte médical évoqué dans le texte et pouvant être interprété différemment par les praticiens. Le plaidoyer s'adresse donc spécialement à la conscience des parlementaires qui auront à intervenir sur les détails de ce projet de loi décisif pour toute la société.