Par son allure et son propos, Amar Saadani fait penser à Donald Trump, deux personnages aussi fantasques que nuisibles. Chacun d'eux traîne un passé personnel et politique douteux, et l'un et l'autre se distinguent par l'absence de toute morale politique et publique. La comparaison s'arrête là, car si les Etats-Unis offrent la possibilité à des personnages de l'acabit de Donald Trump d'émerger jusqu'à devenir candidat à la Maison-Blanche, ce pays dispose en revanche de mécanismes institutionnels bien rodés et suffisemment de ressorts au sein de la société pour freiner leurs dérives, particulièrement celles attentatoires à la cohésion nationale et à la sécurité. En d'autres termes, un bain démocratrique. Et c'est ce qui fait cruellement défaut à l'Algérie, où seule prime la volonté des tout puissants bénéficiant d'une autorité issue directement de la force militaire ou subtilement de sa caution, entraînant avec elle l'ensemble des institutions publiques. Les dés ont été jetés bien avant l'indépendance et singulièrement depuis le Congrès de la Soummam qui a donné un bond qualitatif à la Révolution algérienne au triple plan militaire, politique et idéologique, mais dont le fleuve a été détourné, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Rachid Mimouni. Sans exception, les régimes politiques qui se sont succédé à la tête du pays ont été autocratiques, les derniers réussissant à faire de la dure épreuve d'Octobre 88 et du multipartisme des atouts en leur faveur. Une de leurs plus belles prises a été la parti FLN. Fer de lance de la guerre de Libération, il a été dépossédé de sa substance révolutionnaire et instumentalisé pour devenir une machine électorale à faire sortir vainqueurs les relais du pouvoir et en même temps un instrument de propagande en faveur des puissants. Un temps, des leaders politiques tels Abdelhamid Mehri ont tenté de contrer cette dépossession et de réhabiliter quelque peu le parti FLN, mais les rênes du parti n'ont jamais échappé au pouvoir. Ce n'est pas pour ses qualités politiques et professionnelles que Amar Saadani a été choisi pour devenir l'homme fort d'aujourd'hui, mais bel et bien pour son zèle incommensurable à servir l'autorité. Il a succédé à Abdelaziz Belkhadem, lui aussi un temps fidèle avant de se voir exclu de toute vie politique officielle par le président de la République lui-même qui a douté de sa fidélité. Amar Saadani est redevable au pouvoir en raison des casseroles qu'il traîne (biens à l'étranger, antécédents judiciaires). En contrepartie, il est devenu véritablement l'homme des sales besognes, ne s'embarrassant d'aucun scrupule. Il sème la discorde au sein-même du sérail politique, s'en prenant frontalement au patron déchu des services, le général Tewfik et aux déserteurs de l'armée française sans se soucier du fait que ces derniers ont fidèlement servi autant l'ALN que l'ANP et également à un moment ou un autre le président Bouteflika dont le patron du parti FLN se réclame à tout bout de champ. Ce «satrape de la République», comment le freiner ? La fronde interne au parti n'y peut rien tant lui-même a su rallier à lui des milliers de partisans et de courtisans. Et, tant qu'il est couvert par la baraka présidentielle, il est même assuré de remporter les prochaines élections législatives dont personne ne pense que du jour au lendemain elles vont devenir démocratriques. Peut-être qu'il sera victime de ses propres excès et que la baraka de Bouteflika finira pas lui être levée. Mais là, on est dans le domaine du «seigneur» dont les voies sont impénétrables. On est loin des USA dont ce seront les urnes, et seulement les urnes, qui finiront par régler le compte à Donald Trump, cet autre «satrape de la République». Et ce sera le mois prochain.