Le hall du théâtre a été occupé par l'exposition des peintures de Yasser Ameur, dont les traits explorateurs teintés dans les épreuves de ce monde lui ont valu le pseudonyme de l'homme jaune. Les réalisations de Yasser Ameur, un Algérois établi à Mostaganem, donnent forme à des personnages mis dans des postures et situations à la fois absurdes et très révélatrices du drame qu'elles cachent ou annoncent à travers des aspects maladifs forcés par le jaune. Le spectacle, lui, a été inauguré par deux jeunes Bougiotes, Lydia Hani et Lounis Mehdi, qui ont exécuté des danses africaines. Lydia Hani, une jeune de 20 ans, a la passion de la danse dans le corps, et elle a eu déjà à le montrer lors de la dernière édition du Festival international du théâtre de Béjaïa en participant à son spectacle d'ouverture. La danse de Lounis Mehdi, un danseur doublé d'un champion sportif, a pris les contours d'art contemporain. Les deux n'ont pas manqué de touche poétique, faisant cause commune avec les voix dédiées à la poésie. Un hommage a été rendu à deux hommes de lettres, Nabil Farès, qui vient de nous quitter, Saïd Boutadjine, romancier et traducteur en langue arabe, et Abderahmane Lounès, nouvelliste, poète. Des textes de ces trois auteurs algériens ont été déclamés, sous un accompagnement musical qui creuse encore leur profonde poésie. Camelia Khenioua, de Constantine, troisième au concours national de slam 2016, a déclamé ses textes pour crier des maux et des mots, et dire «l'évidence de l'enfance» et «l'art à l'algérienne». Sofiane Kessouar, étudiant à Tizi Ouzou, a déclamé quelques-uns de ses poèmes où il met son désir de liberté, de déception et de joie. Les textes de Farah Trabelsi, jeune Algéroise, poétesse et slameuse, sont un hymne à l'amour imparfait, et à lyrisme chantés dans «les deux amants» et «le pianiste». Hamouche Tazaghart, de Tazmalt, a préféré, quant à lui, s'exprimer en langue arabe en replongeant dans l'âme de la poésie de Nizar Qabbani et Omar El Khayam. Sa poésie, empreinte d'engagement et de colère, explose à la face des despotes. Salim Benkhelifa, seul poète d'expression amazighe programmé, n'a pas été de la partie. Cette défection a inscrit tamazight aux abonnés absents de cette édition, bien qu'elle s'est fait entendre dans la voix d'une jeune chanteuse, Lylou Lyberty, qui a ravi la salle par son talent en interprétant un beau titre, Akham, d'un non moins jeune chanteur, Idir Salem. De son vrai nom Lylia Hamitouche, cette jeune chanteuse bougiote à la voix suave, et qui assure dans bien des genres musicaux, a repris aussi une chanson malienne, Saramo, dans ce qui semble être une langue maternelle du Mali, et qui rend hommage à la femme africaine. La musique a eu sa part dans ces Muses exilées avec aussi le groupe Algorythme de Jijel qui allie sonorités raï et humour, et les Pertur-batteurs, une troupe de percussionnistes, sortie de l'association musicale bougiote Neghma, sous la houlette de Nadjim Smaili. Mais de tous les invités des muses, c'est le groupe Tadarfit qui a été le plus africain, plongeant l'assistance dans les rythmes saccadés et fous de la «saga Africa» avec un Moussa Oukazi, le chanteur, non moins «fou».