Tipasa, l'antique cité portuaire a résonné des déclamations du Printemps des Poètes. La dernière semaine de mars a été marquée par la clôture de cette manifestation au succès non démenti, avec une matinée de lectures poétiques au sein du parc archéologique de Tipasa. Soleil radieux, arbres chargés de fleurs. Sont-ce les poètes qui font le printemps ou l'inverse ? Il est sûr en tout cas que la saison des amours et les amoureux du verbe se sont bien trouvés là ce matin. En arabe, en français, en tamazight et même en corse, les poètes ont redoublé de créativité pour façonner les langues selon leurs rêves. En vers, en prose ou en vers libres, chacun a donné à entendre et entrevoir un pan de son univers personnel. Voici Lamis Saïdi qui fait son Cinéma (titre de son second recueil en langue arabe, réédité chez Ikhtilef) avec des textes finement ciselés où la poésie tient en des images qui se superposent dans un perpétuel glissement de sens. Textes tout en images pour un projet poétique qui se propose d'aborder l'existence par la lorgnette du monde cinématographique. La poétesse lira également ses textes dans une traduction française qui ne perd rien de la force des visions. Déclamant également ses vers en langue arabe, Tarek Kebaïli a étonné par la beauté de ses poèmes et sa déclamation habitée. Qu'il parle du mur de son quartier, confident de la misère quotidienne, ou de la guerre au Moyen-Orient, il forge des vers inspirés qui mériteraient de trouver éditeur. Kebaïli a même gratifié l'assistance d'une création de circonstance avec le poème Danse du vent écrit en français. C'est aussi dans la langue de Rimbaud que les participants de l'atelier de déclamation scénique, organisé par l'Institut français d'Alger, ont interprété des textes de Paul Eluard et de Malek Alloula. Accompagnés par les sonorités veloutées du saxophone de Mehdi Djama, les cinq jeunes orateurs, encadrés par Saeeda Otmantolba, ont interprété à leur manière les textes de ces deux grands auteurs. L'esprit des lieux a assurément marqué cette matinée poétique. Le sympathique journaliste et poète Oussama Ifrah s'est proposé de «Tipaser» à propos de Juba II, le roi érudit qui a encouragé les arts et les sciences dans son royaume de Maurétanie césarienne. Venu des montagnes du Chenoua, Omar Merioul a, quant à lui, chanté la mémoire des rois numides et la richesse de la culture amazighe dans les sonorités mélodieuses du chenoui, variante locale de la langue amazighe. Dominique Ottavi est, lui, venu de sa «Corsica» natale avec chants et «cetera», instrument corse qui a divinement résonné dans l'enceinte de l'antique théâtre romain. Cheveux au vent et vibrato dans la voix, il a chanté l'amour absolu, la beauté de la nature et le désir de liberté chevillé au corps des insulaires. Il a également accordé sa lyre (sa cetera donc) aux poèmes de Danielle Maoudj qui proclame en vers – et avec tous –, ses appartenances multiples entre les deux rives de la Méditerranée. Norbert Paganelli a, lui aussi, porté un message d'amitié entre les peuples au-delà des identités. C'est ce qu'a illustré le scénariste Karim Traïdia par la lecture d'un texte de sa création en néerlandais, appelant justement à dépasser les peurs, et particulièrement celle de l'autre, de l'étranger… Devant un public restreint mais comblé, composé de «goûteurs de vers» mais aussi de familles venues simplement visiter les vestiges, les complices de ce Printemps des Poètes ont façonné une belle communion autour de l'amour des mots. En partenariat avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel et en collaboration avec l'OGBEC (Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés) et la direction de la Culture de Tipasa, cette matinée poétique à Tipasa est venue couronner le Printemps des Poètes 2016 initié par l'Institut français en Algérie. Cette manifestation, créée depuis 18 ans en France, a essaimé dans le monde. Alexis Andrès, directeur de l'Institut français d'Algérie, a affiché sa satisfaction au bout d'une édition qui s'est déroulée à Alger, mais aussi à Tlemcen (Palais du Mechouar) et à Constantine (Palais du Bey).