Dans le cadre de la commémoration du sixième centenaire de la mort du célèbre écrivain espagnol, Miguel de Cervantès Saavedra, l'ambassade d'Espagne et l'institut Cervantes d'Alger, organisent en étroite collaboration avec le ministère algérien de la Culture, un colloque international sur cet illustre écrivain, intitulé «Cervantès : de Argel a España». Ce colloque a été ouvert, samedi en fin de matinée, par le ministre de la Culture, Azzeddine Mihoubi, et le secrétaire d'Etat espagnol à la Culture José Maria Lassalle. Dans son alocución d'ouverture, M. Mihoubi est revenu sur le talent avéré de l'auteur de Don Quichotte de la Manche. Il a indiqué que Cervantès est entré dans toutes les bibliothèques du monde et que des chercheurs algériens s'interessent à son œuvre. Il a rappelé, en outre à l'assistance nombreuse que, longtemps laissée à l'abondon, la grotte de Cervantès, dans le quartier d'El Hamma où l'écrivain s'était réfugié avec treize de ses compagnons lors d'une tentative d'évasion, a été restaurée par la commune de Belouizdad et l'ambassade d'Espagne en Algérie. Ce lieu historique sera désormais un espace culturel et touristique à la fois. De son côté, le secrétaire d'Etat espagnol à la Culture, Jose Maria Lassell, a affirmé que toutes les oeuvres de Cervantès ont été écrites par un philosophe à la pensée moderne. Sa captivité à Alger a été, certes, douloureuse mais fructueuse en matière de productions littéraires et théâtrales. L'islam, pour Cervantès, était un passage important. Fervent de soufisme, l'homme, qui était de confession orthodoxe de Grenade, a assisté à plusieurs conversions de Mauresques à l'islam. Son escale à Alger lui a permis, justement, de voir ces différences entre musulmans, Turcs et Mauresques. «Miguel Cervantès utilise une finesse narrative dans son œuvre pour parler de cette réalité musulmane. L'écrivain revendiquait toujours cette tolérance vers l'autre. Les courants mystiques vont alimenter la culture de Cervantès, donnant naissance à des personnages qu'on retrouve dans Don Quichotte.» «Pour cet homme hors du commun, la liberté est la plus belle des valeurs», a déclaré M. Lassell. Tout au long de cette première journée, chercheurs et spécialistes algériens et espagnols se sont relayés pour revisiter l'œuvre cervantine ainsi que les cinq ans qu'il a passé en captivité à Alger. Dans sa communication intitulée «Alger au XVIe siècle», l'universitaire algérien Chakib Benafri est revenu sur le contexte international des relations hispano-ottomanes autour de la Méditérranée et sur la vie à Alger de Miguel Cervantès. Lorsqu'il arrive à Alger, il trouve une ville bien gardée. Il débarque dans une capitale ayant une réputation bien assise non seulement au niveau de l'espace méditérranéen, mais également à l'international et ce, en raison de l'échec de l'expédition de l'empereur Charles Quint. M. Benafri explique qu'à cette époque, Alger, son économie et sa politique étaient basée sur deux piliers disntincts, à savoir la course et la captivité : «Ces deux activités ont été utilisées par l'ensemble des pays de la Méditérranée. On n'oublie jamais que ceux sont des siècles de conflits et d'hostilités entre les deux mondes chrétien et musulman.» Selon le conférencier, Cervantès se retrouve dans ce contexte de conflit entre les deux civilisations. L'écrivain a transmis, à travers ses écrits, un autre message concernant Alger. «Il va trouver une Alger cosmopolite, rassemblant toutes les civilisations. Cervantès va nous transmettre à travers sa riche production un message de tolérance, de connaissance de l'autre. Et surtout de ne point juger l'autre selon son héritage culturel, mais à travers ses actes.» Emilio Sola Castano, directeur du Centre européen pour la diffusion des sciences sociales et professeur à la faculté de lettres et de philosophie de l'université Alcalá de Henares, à Madrid, a axé son intervention sur la thématique «Cervantès à Alger : l'attirance de la modernité». Il explique que Cervantès découvre un pays où il y a des bénéfices d'argent. «Tout peut s'acheter ou se vendre. Il parle des premiers capitalismes commerciaux et de la modernité à travers la société algérienne. Cervantès est l'unique écrivain européen qui intègre pleinement le monde turc dans la vie normalisée de la Méditérranée avec un niveau d'égalité, surtout sous la perspective d'un monde nouveau», développe-t-il. Il est noter que le colloque international sur Cervantès se poursuivra aujourd'hui avec des interventions d'autres de spécialistes, dont José Manuel Lucia Majias de l'université de Madrid, Isabel Soler (professeur à la faculté de philologie de l'université de Barcelone), Javier Rioyo (directeur de l'institut Cervantes de Lisbonne) et Gonzalo Manglano de Garay (directeur de l'institut Cervantes d'Oran). De même que sera projeté le film Don Quichotte, suivi d'un débat.