Alors que la France officielle persiste dans le déni des faits coloniaux et des massacres commis durant la Guerre de Libération nationale, un député français propose une loi relative à la reconnaissance de la responsabilité politique du massacre d'Algériens, le 17 octobre 1961 à Paris. Un député français a déposé, hier, une demande de proposition de loi reconnaissant «la responsabilité politique» de la France sur les massacres d'Algériens, le 17 octobre 1961 à Paris. Dans une déclaration publiée par le journal Le Monde, Patrick Mennucci, du Parti socialiste, évoque un projet de loi d'un seul article, qui stipule que «la France reconnaît politiquement sa responsabilité dans le massacre causé par la répression du 17 Octobre 1961 à Paris de manifestants algériens réclamant l'indépendance de leur pays». Il argumente sa proposition en disant : «L'Algérie et la France ont des destins liés pour affronter les défis de l'avenir et l'aide de l'Algérie dans notre combat contre le terrorisme en est un signe. Cette reconnaissance est de nature à permettre la construction d'un espace euroméditerranéen stable et solidaire.» Son compatriote, le premier adjoint-maire de Paris, Bruno Julliard, va plus loin en parlant de «répression sanglante» et de «massacre». Dans une déclaration publique reprise par l'APS, M. Julliard estime que «pendant trop longtemps, la mémoire collective de notre pays a commis un déni de ce massacre. Des générations après, nous sommes déterminés maintenant à nous souvenir, à rendre hommage à ces centaines d'Algériens morts pour avoir défendu un idéal». Mieux encore, selon lui, il est «très important que des élus de Paris se remémorent et rendent hommage à ces nombreuses victimes, trop nombreuses victimes d'une répression sanglante, d'un massacre il y a 55 ans maintenant». Pour Bruno Julliard, si «la France a durant longtemps, refusé de voir la réalité en face (…) nous sommes heureux que nous puissions aujourd'hui être ensemble, dans un esprit fraternel et de solidarité, pour commémorer et rendre hommage à ces très nombreuses victimes». La revendication d'une «reconnaissance officielle» par l'Etat français de ce massacre revient chaque année, mais se heurte au déni des faits coloniaux et à la perversion de l'histoire de la Guerre de Libération nationale par des officiels français. Il y a quelques semaines seulement, ces derniers dénonçaient ce qu'ils ont qualifié de «massacre de harkis», mettaient sur un pied d'égalité les héros de la Guerre de Libération, les terroristes de Daech et vantaient les «bien-faits de la colonisation» dans les livres scolaires et, cerise sur le gâteau, continuent à exhiber dans un musée parisien les têtes des premiers révolutionnaires algériens, conservées dans des bocaux de formol en tant que trophée du début de la colonisation. La seule reconnaissance, assez timide, a été celle d'un ambassadeur français lors de la commémoration du massacre du 8 Mai 1945, à Sétif, il y a quelques années. Il avait qualifié l'exécution de milliers d'Algériens de «massacre tragique», sans pour autant que cette déclaration soit suivie de faits. Il en est ainsi également pour cette exécution collective de centaines d'Algériens par la police française, à Paris, le 17 octobre 1961. Hier, un hommage a été rendu à toutes ces victimes à Paris et un appel contre l'oubli a été lancé par la militante et écrivaine Monique Hervo, qui s'est déclarée «toujours autant horrifiée par le refus de reconnaître la réalité du massacre du 17 Octobre 1961 qui se déroula dans la capitale française». Cette octogénaire est un témoin piégé de ce massacre, étant donné qu'elle avait pris part, aux côtés des Algériens, à la manifestation pacifique qui s'est terminée dans le sang. «En souvenir de ces Algériens noyés, dit-elle, exigeons des éclaircissements.» La même revendication est exprimée par le Collectif 17 Octobre 1961, banlieue Nord-Ouest qui a réclamé aussi «l'ouverture des archives de la brigade fluviale, chargée en octobre 1961 de remonter les corps noyés dans la Seine». Visiblement, de l'autre côté de la Méditerranée, la France, n'arrive toujours pas à porter un regard sur son passif en Algérie sans haine ni passion. Les séquelles sont douloureuses et tellement lourdes à porter qu'il est plus facile de les nier que de les assumer de manière courageuse.