Coup de théâtre, hier, à la commission santé de l'APN. Les quatre syndicats autonomes invités au débat sur le projet de loi relative à la retraite ont brillé par leur absence. Non pas parce qu'ils refusent d'exprimer leurs préoccupations. L'un d'eux n'a même pas pu franchir le seuil de l'Assemblée nationale, alors que les trois autres n'ont pu obtenir une confirmation officielle. S'agit-il d'un simple dysfonctionnement ou d'une volonté délibérée d'exclure les syndicats autonomes ? Les syndicats autonomes — Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique (Snapap), Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest), Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) et l'Union nationale du personnel de l'enseignement et de la formation (Unpef) — n'ont finalement pas pris part au débat sur le projet de loi relative à la retraite, organisé par la commission santé de l'Assemblée populaire nationale (APN). Pourtant, ils étaient inscrits sur la liste des invités devant être auditionnés hier par cette commission, avant que le projet de loi soit soumis aux députés. Si le secrétaire général du SNPSP affirme avoir été empêché d'accéder à l'Assemblée par les agents d'accueil «sous prétexte qu'un changement de programme a été décidé en haut lieu à la dernière minute», les responsables des trois autres organisations syndicales déclarent, quant à eux, «avoir été conviés par téléphone à une rencontre avec les députés, mais celle-ci n'a pas été confirmée officiellement». Contactés, quelques membres de la commission ont exprimé leur «surprise» devant une telle situation. Pour eux, «les quatre syndicats autonomes ont décliné l'invitation. C'est l'explication donnée aux députés. Seul le Syndicat des spécialistes de la santé publique a été entendu dans la matinée». Membre de la commission santé, la députée du Parti des travailleurs, Nadia Chouiter, abonde dans le même sens. Elle aussi se déclare étonnée du fait qu'un syndicat soit renvoyé et que les trois autres n'aient pas reçu de confirmation officielle de leur invitation par la commission. «De toute façon, le président a été interpellé sur le non-respect des conditions de fonctionnement d'une commission permanente. Il a promis de remettre de l'ordre dès la semaine prochaine. D'ailleurs, les syndicats autonomes, qui n'ont pas été entendus hier, sont reprogrammés pour la semaine prochaine. Il est important que leurs avis soient exprimés et entendus. Ceux qui font grève sont des travailleurs. Il est important que leurs préoccupations soient exprimées», dit-elle. Visiblement, il se passe des choses au sein de l'Assemblée. Sinon, comment expliquer cette cacophonie le jour même où les syndicats autonomes étaient — pour la première fois dans l'histoire de l'APN, faut-il le reconnaître — conviés par les députés pour être écoutés ? Pourquoi l'ordre du jour de la commission santé a-t-il été chamboulé et les travaux, qui devaient se poursuivre l'après-midi, écourtés ? Y a-t-il un lien entre la grève des syndicats autonomes contre le projet de loi sur la retraite et la déprogrammation des invitations de la commission santé chargée d'examiner le projet de loi, objet de contestation ? Des questions qui méritent d'être posées surtout quand on sait que, jusque-là, la commission santé n'a entendu que les parties plus ou moins favorables au projet de loi. D'abord l'Union générale des travailleurs (Ugta), à travers deux de ses représentants reçus lundi dernier, et le Syndicat du personnel spécialiste de la santé publique qui, sur les questions de fond, comme les menaces sur les acquis sociaux, le pouvoir d'achat, le travail, etc., partagent totalement les inquiétudes des autres syndicats. Leurs divergences avec ces derniers portent surtout sur les méthodes ou les moyens utilisés pour trouver les solutions au déséquilibre financier des caisses, notamment de retraite. En tout état de cause, l'invitation des syndicats autonomes aux débats au sein de l'APN au moment où une grève paralyse, même partiellement, les secteurs de la santé et de l'éducation (les plus concernés par les départs à la retraite anticipée) est en soit une évolution importante dans la vie politique et une victoire pour les organisations syndicales concernées, non reconnues officiellement et exclues dans la majorité des cas des négociations socioprofessionnelles. Peut-on croire qu'à la veille de leur fin de mandat, les députés puissent créer la surprise en étant attentifs à la voix des travailleurs ? Un tel scénario est peu probable. Le gouvernement s'est toujours appuyé sur cette «majorité parlementaire» pour faire passer, comme une lettre à la poste, tous les textes susceptibles de susciter la contestation. N'a-t-on pas assisté à la validation forcée, sur fond d'émeute, de la loi de finances 2015 par les députés de la majorité ? Sauf cas de force majeure, il est utopique de croire que parmi cette majorité, des voix s'élèvent durant cette période de précampagne législative où les places sur les listes électorales ont une puissante valeur marchande.